L'annonce met fin à un long suspense et place devant un grave dilemme de nombreux candidats potentiels. Le journal El Moudjahid est venu mettre un terme à un long suspense en publiant en exclusivité de larges extraits de l'éditorial qu'a signé Mohamed Lamari, chef d'état-major, dans la revue mensuelle El-Djeïch, dont la parution est attendue pour ce début de semaine. En ouverture de cette revue, il est carrément fait état d'une circulaire adressée aux officiers et hommes de troupes, datée du 6 décembre dernier, et dans laquelle il est mis en relief «la nécessité impérieuse pour le militaire ou assimilé d'éviter tout acte ou attitude ou comportement à l'occasion ou en rapport avec l'élection». La clarté de cet «ordre du jour» n'a d'égal que la liberté qui est laissée aux soldats de voter en faveur du candidat de leur choix. Cette liberté de ton semble favorisée par le projet initié par le mouvement El-Islah, amendant la loi organique 97-07 portant régime électoral et prévoyant la suppression des bureaux spéciaux. Outre les militaires, ces bureaux concernaient également les gendarmes, les policiers, les douaniers et les éléments de la Protection civile. Selon un chiffre fourni par le ministère de l'Intérieur, le vivier électoral que représentaient les bureaux spéciaux, était estimé à quelque 600.000 voix. Un chiffre important, jusque-là garanti en faveur du relèvement du taux de participation national, ce qui devrait faire que ce pourcentage devrait encore baisser à la faveur de la situation le trouble général que connaît la scène politique, depuis que Benflis a officiellement accusé Bouteflika d'être derrière le complot qui vise le FLN et que ce conflit a menacé la stabilité de nombreuses institutions de la République. Des acteurs politiques importants, depuis toujours favorables à la suppression de ces bureaux, soulignent que «ce chiffre est autrement plus important», ajoutant que «ces voix ont toujours servi à favoriser un candidat par rapport aux autres du temps où l'institution militaire faisait et défaisait les présidents algériens». L'armée, selon l'éditorial signé par son chef d'état-major, compte se consacrer exclusivement à ses missions constitutionnelles dans le cadre de sa professionnalisation. Ces missions consistent à préserver l'intégrité physique et morale de la République algérienne. Le document précise, à ce sujet, que l'armée accomplit ses missions «en permanence et en toute circonstance au service de la patrie et pour la défense de la République». Dans la foulée, le chef d'état-major invite la publication El-Djeïch, «dans un monde en pleine mutation et chargé d'incertitudes (...) à se constituer partie prenante aux débats d'idées autour de la défense nationale». Même si les observateurs se demandent si tel va avoir le «dernier mot» de l'institution militaire, alors que les évènements vont en s'aggravant, ce qui compromet carrément le déroulement de la prochaine présidentielle, il n'en demeure pas moins acquis que cette sortie, la première du genre depuis le fameux entretien accordé à El-Ahram en juin 2003, constitue une réponse négative et claire aux nombreux appels qui lui ont été lancées, les uns pour amener l'administration et le gouvernement à observer une neutralité similaire, les autres carrément à «déposer» Bouteflika dans la pure tradition des troupes tiers-mondistes, spécialisées dans les complots et les pronunciamientos. Dans cet entretien, Mohamed Lamari jetait un véritable pavé dans la mare. Outre la confirmation publique et officielle du retrait de l'armée de la scène politique, le chef d'état-major indiquait ne pas voir d'inconvénient à laisser un candidat islamiste, tel Djaballah, à prendre le pouvoir tant que cela se fera démocratiquement et en toute transparence. Le mouvement El-Islah, depuis cette sortie, a connu un essor absolument fabuleux. Il a effectué une grande percée au sein du sénat, se permettant au passage d'égratigner jusqu'au sang ses frères-ennemis du MSP. Il a également réussi à profiter à fond du conflit qui mine les rangs du FLN pour imposer dans la loi de finances un amendement interdisant l'importation de boissons alcoolisées, avant d'entrer carrément dans l'histoire en devenant le premier parti dont un projet de loi (et non des moindres) a été endossé par le gouvernement avant de passer le cap parlementaire et venir sortir officiellement les urnes des casernes. Il faudrait s'attendre, dans les prochains jours, à de nombreuses réactions, pouvant aller jusqu'à l'annulation officielle de certaines candidatures importantes de personnages qui se refusent de faire de la figuration dans un scrutin dans lequel, disent-ils, «les jeux sont faits d'avance et le vainqueur désigné par une administration aux ordres». Il reste également possible que les choses évoluent dans un tout autre sens puisque ces mêmes candidats potentiels comptent mettre au point une démarche commune dans le but d'amener les pouvoirs publics à se conformer à une plus grande rigueur dans la conduite du prochain scrutin présidentiel.