Il ne manque pas d'appeler dans le dernier numéro d'El Djeïch à un débat d'idées. Médiatisée bien avant sa parution, la lettre-circulaire du général de corps d'armée, Mohamed Lamari, a déjà fait couler beaucoup d'encre. En effet, le chef d'état-major y réitère l'obligation faite aux militaires ou assimilés de se conformer à l'obligation de réserve. Dans cette lettre circulaire datée du 6 novembre 2003, il est précisé que le «militaire ou assimilé, pour autrant qu'il est électeur, et à ce titre libre de voter pour le candidat de son choix, n'en est pas moins tenu à l'obligation de réserve» de même qu'il lui est fait mention de la nécessité impérative pour lui d'éviter «tout acte ou attitude ou comportement à l'occasion, en rapport avec l'élection en question». Comme il est dit plus haut, la presse nationale a déjà fait état du contenu de cette circulaire. Mais, à la suite du développement des événements sur la scène politique nationale, notamment à la lumière de l'instrumentalisation de la justice et de l'administration, le général a précisé le contenu qu'il faut donner à sa neutralité, puisqu'il a promis que l'institution militaire ne saurait se croiser les bras au cas où la situation se détériorerait. Il répondait aussi, dans un entretien accordé aux journaux El Khabar et Le Matin, au manifeste rendu public par le groupe des onze, qui ont justement appelé à une neutralité active de l'armée. L'élément nouveau dans ce numéro d'El Djeïch se trouve dans la «Lettre du chef d'état-major de l'ANP à la revue El Djeïch», qui est un peu l'éditorial de la revue, à laquelle il fixe de nouvelles missions. Voyant en elle une des manifestations du lien indéfectible entre l'ANP et la nation, il dit qu'elle gagnera à se situer au diapason de l'intérêt qui est naturellement celui que la communauté nationale ressent à l'endroit de ses forces armées. A ce titre, elle gagnerait à se mettre toujours en phase avec la société. Et à se «constituer partie prenante aux débats d'idées autour de la défense nationale». La presse nationale n'est pas en reste, puisque le général indique que cela passe en premier lieu par l'établissement de relations d'échange et de coopération avec les organes de presse nationaux. Et le général de préciser: «Des relations que je souhaiterais, pour ma part sereines, objectives et empreintes du respect mutuel et du sens de la responsabilité.» En d'autres termes, au moment où les journalistes subissent les intimidations policières et le harcèlement judiciaire, le général Lamari, lui, apporte un appui prononcé, et dans ce cadre, il coupe l'herbe sous le pied de tous ceux qui souhaitent la mort de cette presse, ou manigancent en vue d'arriver à cette fin. Et les journalistes ne peuvent que prendre acte, ma foi, de cette marque d'estime, de respect et de solidarité exprimée par le chef de l'institution la plus prestigieuse du pays. Cette estime est d'autant plus appréciée à sa juste valeur que les médias nationaux n'ont jamais raté les occasions de titiller l'armée et les généraux au cours de ces dernières années. Loin donc d'appeler à une répression contre la presse, ni au rétablissement de l'imprimatur et de la censure bête et méchante, le général Lamari prouve au contraire qu'il respecte la liberté de la presse, avec laquelle il souhaiterait établir des relations sereines et objectives. C'est une position qui honore l'institution militaire et prouve par-là qu'elle a mûrie en matière de respect de la liberté d'expression.