C'est par « Silence, sur le plateau, merci ! » que le chef d'orchestre amorce l'entame du spectacle. Il s'agit de l'opéra en deux actes, de W. A. Mozart... «Un opéra très intéressant qui relève de l'art populaire», nous indique le chef d'orchestre du haut de la fosse du Théâtre national d'Alger, Mahieddine Bachtarzi. Ce soir, mercredi, nous assistons à l'ultime répétition de cet opéra emmené par la troupe française Hymnodie. «Cet opéra est connu du public algérien et donc très accessible», souligne l'homme à la baguette, en guise de réponse à notre question, à savoir pourquoi avoir choisi cet opéra pour le jouer en Algérie. Ce dernier avait vu le jour, pour information, grâce au succès des Noces de Figaro. En effet, c'est suite à l'accueil favorable qu'avait enregistré cette pièce à Prague que les notables de la cité passèrent alors la commande à Mozart d'un nouvel opéra pour le théâtre. Ce fut Don Giovanni, créé à Prague le 29 octobre 1787 et repris l'année suivante, avec quelques rajouts, à Vienne. Ceci, pour la petite histoire. Ce fameux chef d'orchestre bien de chez nous qui dirigea d'une main de maître l'orchestre philharmonique d'Alger est l'étonnant Amine Kouider, 34 ans qui, avec un CV aussi imposant, n'a plus rien à prouver. «A force de travail et de persévérance,» avoue Amine le plus normalement du monde. Et nous l'avons bien vu diriger avec une rare sévérité, téméraire, digne du véritable pro ses élèves-musiciens qu'il mène, serions-nous tentés de dire, presque à la baguette - sans jeu de mots - Amine Kouider, le maestro, commande aujourd'hui divers orchestres de par le monde, notamment celui des jeunes de la Méditerranée, l'Opéra de Marseille, du festival de Rotterdam et de Monte-Carlo. Depuis 1994, il dirige les choeurs et l'orchestre philharmonique basés à l'Unesco. Il vient à cet effet d'être nommé par cette dernière organisation «Artiste pour la paix». «Cette nomination est importante», dit Amine «parce que je pense qu'un musicien se doit de défendre des idées de paix et quand on fait de la musique avec un ensemble de musiciens de diverses nationalités, on se doit également de donner l'exemple, celui de montrer qu'on peut se comprendre et surmonter toutes les différences culturelles, linguistiques et religieuses et qu'on peut aller plus loin, en faisant des concerts à but humanitaire, au profit des musiciens malades ou n'ayant pas les moyens, chose que j'ai déjà faite plusieurs fois». Ainsi parla ce grand monsieur à l'âme généreuse et doué d'une vraie sensibilité d'artiste, au sens propre du terme. Né à Alger en 1967, ce virtuose a montré très tôt des capacités artistiques incontestables. A 7 ans déjà, il sort du Conservatoire d'Alger avec des diplômes, 1er prix de violon, de musique de chambre et de solfège sans oublier le grand prix d'honneur de violon de la ville d'Alger. Il poursuit ses études musicales de violon et de direction d'orchestre au Conservatoire de Marseille puis au Conservatoire de Paris. Il étudie également la direction d'orchestre au Conservatoire royal de Copenhague au Danemark. Depuis 1995, il dirige en concert plusieurs orchestres notamment de Saint-Petersbourg. Après s'être produit en juin 1999 au Palais de la culture et l'année dernière dans le cadre de la clôture des festivités du millénaire d'Alger Beni Mezghuena, il est sollicité de nouveau par la boîte Rayane-Production qui crée l'événement en animant en compagnie de la troupe française Hymnodie, deux soirées consécutives, les 1 et 2 novembre au Théâtre national Bachtarzi. La venue de cette troupe en Algérie s'inscrit dans le cadre du développement des activités lyriques dans notre pays. Depuis 2 ans, Hymnodie a entrepris la création du 1er festival d'art lyrique, intitulé Opéra des sables. Ce festival se tiendra en Algérie en mars 2002 avec la présence de l'orchestre philharmonique de Saint-Petersbourg et de solistes de renom, dans la région de Tassili N'Ajjer. Cette rencontre inédite se fera à ciel ouvert dans la magie du désert, là où le théâtre a oublié d'ériger des murs... C'est sous la houlette du metteur en scène Guy Contance, bien caché en arrière-fond de la salle que se sont déclinés les cinq tableaux de la pièce, sans trop «d'incidents»... Intransigeant et bien attentif, le metteur en scène veillait à son bon déroulement. Les six comédiens-protagonistes en tenue d'époque de cap et d'épée, accomplissaient leur rôle avec brio et sans grand-peine, si ce n'est ce fou-rire incontrôlé de Donna Alvira alias Odile Rhimo qui apportera une note de gaieté et de légèreté dans cet opéra censé traiter un sujet épineux: «l'Amour» ou ce qu'il peut engendrer comme sentiments: jalousie, vengeance... En effet, au-delà des prouesses amoureuses et les conquêtes innombrables qu'évoque le nom de Don Juan, ce personnage mythique que nous connaissons tous, nous assistons ici, plutôt, aux tentatives de vengeance de ses victimes, notamment son épouse délaissée, Elvire, cette noble femme «si sensible et si frémissante...» Nous verrons ainsi comment ce libertin «tout en gardant ce sens de l'honneur aristocratique» courtise avec habilité ces femmes qui se trouvent sur son passage. Sans grand succès. La seule qui, en effet, cède à ses avances dans cette pièce est la maîtresse de son valet, Leporello (Marc Souchet), abusée par son déguisement. Il est à retenir finalement de cet opéra de Mozart, cette intensité dramatique qui se dégage musicalement de chaque moment fort de la pièce, notamment cette vibrante «aria» que chante Donna Anna (Catherine Manondaza) quand elle reconnaît celui qui a tué son père, Don Juan en l'occurrence. Entraîné dans la gueule de l'enfer par «la statue qui marche», il finit par être happé par le feu, en guise de châtiment pour ses vils comportements envers la jeune femme. Etrange personnage que ce «Don Giovanni», qui, en dépit de ses fâcheuses actions, continue à fasciner et à susciter moult curiosités. Un être intéressant de surcroît, faut-il l'avouer, car sujet à toutes les controverses à travers les siècles. Ceci expliquerait sa pérennité. Un opéra que le public algérois a certainement suivi avec intérêt.