Alors que les B-52 passent à la vitesse supérieure en Afghanistan, les frappes américaines n'ont pas sensiblement changé grand-chose sur le terrain militaire. Depuis près d'un mois, les lignes de front n'ont pas vraiment bougé. D'où le risque d'un blocage de la stratégie américaine qui n'est plus rejetée par l'alliance du Nord, seule à combattre les taliban sur le terrain. La résistance des taliban, l'absence d'informations sur Ben Laden et l'état de son organisation Al-Qaîda, l'assassinat d'Abdul Haq, chef pachtoune, le soutien de milliers de musulmans à Kaboul, le nombre croissant de victimes civiles, le risque omniprésent d'une riposte terroriste sur le territoire américain - sachant que cette dernière menace est prise très au sérieux jusqu'à placer de nouveau le vice-président Dick Cheney en résidence secrète - sont autant d'éléments qui mettent très mal à l'aise les Etats-Unis et confortent les taliban dans leur position de force pour ce qui est de la guerre psychologique. Sachant qu'à l'approche du mois de ramadhan, qui débute le 17 novembre, des divergences commencent à se faire jour au sein de la coalition internationale antiterroriste sur la poursuite ou non des frappes aériennes. Alors même que la conseillère présidentielle américaine pour la sécurité nationale, Condoleezza Rice, a affirmé que les Etats-Unis ne pouvaient pas «se permettre d'observer une pause» et que George W.Bush affirmait à la population américaine que les USA allaient installer le conflit dans la durée et qu'il fallait donc faire preuve de patience et de détermination. Bien que 500 militaires américains se trouvent aux côtés des forces de l'alliance du Nord, serait-ce l'épuisement des ressources de la stratégie militaire US? Quoi qu'il en soit et vu l'importance de la guerre des «ondes», les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont établi trois centres d'informations, à Washington, Londres et Islamabad qui fonctionneront en relais 24 heures sur 24 pour «contrer la désinformation des taliban et du réseau Al-Qaîda» de Ben Laden. Une commission parlementaire américaine a par ailleurs, approuvé la création d'une «radio free Afghanistan» qui émettrait vers ce pays. Sur le plan des opérations, des avions de chasse américains ont bombardé des cibles situées à la lisière Nord de Kaboul avant-hier soir pour la première fois en quatre jours. Les taliban ont riposté par des tirs sporadiques de DCA. Le secteur de Khair Khane comprenant plusieurs sites de défense antiaérienne et des stocks d'armes. Alors qu'hier, les bombardiers lourds américains B-52 ont à nouveau bombardé la ligne de front au nord de la capitale afghane, Kaboul dans ce que l'opposition au régime des taliban a qualifié de pilonnage le plus important depuis le début des frappes, larguant plus de 60 bombes en l'espace de quelques heures. Des conseillers militaires américains au sol dirigeaient les frappes, a déclaré un responsable de l'opposition Saïd Hussein Anwari depuis la ville de Gulbahar sur le front. Des combats au sol ont également opposé les taliban à une faction royaliste dans les provinces d'Uruzgan (centre). Le groupe dirigé par le chef pachtoune Hamid Karzaï, 41 ans, aurait dû son salut grâce à deux hélicoptères américains, affirme une source talibane qui ajoute que les taliban ont néanmoins tué deux de ses proches et saisi 600 fusils neufs. 25 partisans de Karzaï ont été capturés et l'ordre de les pendre a été donné. Les taliban ont également accusé ce week-end l'aviation américaine d'avoir endommagé une centrale électrique et un barrage, mettant en péril «des milliers» de civils. «Pour l'instant, l'eau n'a pas commencé à fuir, mais tout nouveau bombardement détruirait le barrage. Cela pourrait provoquer des inondations et mettre en péril la vie de milliers de personnes», a déclaré le ministre taliban de l'Enseignement, Amir Khan Muttaqi. L'Union européenne, à la demande de la Grande-Bretagne, a accepté d'autoriser la livraison d'armes aux forces antitalibane. La Turquie, seul pays musulman de l'OTAN a, pour sa part, annoncé qu'elle allait envoyer une unité spéciale, composée de 50 hommes en Afghanistan, notamment pour entraîner les forces de l'alliance du Nord. Les taliban ont immédiatement condamné cette décision. L'homme le plus recherché de la planète s'est même payé le luxe d'adresser une lettre à la télévision qatarie Al-Jazira, qui vient de fêter son cinquième anniversaire, pour appeler les musulmans du Pakistan à se soulever contre «la croisade contre l'Islam». «Ben Laden a affirmé que les musulmans se faisaient tuer alors que le gouvernement du Pakistan s'est rangé sous la bannière des croisés.» Aux Etats-Unis, la fête d'Halloween a offert un répit de courte durée aux Américains, en proie à la psychose de nouveaux attentats et la crainte d'une extension de la maladie du charbon. Le décès d'une quatrième personne, une employée d'un hôpital de New York, intrigue experts et policiers car la victime n'avait de lien ni avec le gouvernement ni avec les médias, cibles de plusieurs lettres empoisonnées, et travaillait dans un service qui n'était pas en contact avec le courrier. Des spores du bacille ont, en outre, été découverts dans un bureau de poste de Kansas City (Missouri). Officiellement, 16 personnes ont contracté la maladie, dont quatre sont décédées depuis le début du mois d'octobre. Face à la menace de nouvelles attaques terroristes, le trafic aérien a été réduit autour de 86 sites nucléaires et de l'aéroport Kennedy de New York. La police fédérale (FBI) recherche, de son côté, six hommes avec des passeports israéliens - arrêtés puis relâchés ce week-end par les services d'immigration dans le centre des Etats-Unis - en possession de photos et le descriptif d'une centrale nucléaire de Floride et d'un oléoduc d'Alaska, ainsi que des cutters et d'autres équipements. Sur le plan diplomatique, Américains et Britanniques multiplient les efforts pour consolider la coalition internationale contre le terrorisme, alors que des voix commencent à s'élever, notamment en Europe, pour critiquer la stratégie militaire suivie en Afghanistan.