Les relations algéro-américaines prennent cette semaine une envergure jamais égalée. En se rendant aux Etats-Unis à la tête d'une délégation politique et commerciale forte de plus de 200 personnes, le Président Bouteflika entérine une alliance stratégique entre Washington et Alger qui ne dit pas encore son nom. Par petites touches, l'Algérie et les Etats-Unis posent des jalons qu'il sera difficile aux autres partenaires, spécialement la France, de suivre dorénavant. Depuis son élection en avril 1999, c'est quasiment la troisième fois que le Président algérien foule le sol américain. Ses séjours américains étaient à la mesure de la courbe exponentielle que prenaient les relations bilatérales. Sous l'administration démocrate de Bill Clinton, Bouteflika s'est rendu à New York pour les besoins de l'Assemblée générale des Nations unies. Si l'administration politique de l'époque l'avait quelque peu boudée, comme l'atteste la rencontre avortée avec Madeleine Albright au département d'Etat, les lobbies économiques du Sud, notamment les pétroliers du Texas, lui avaient ouvert les bras comme un prélude à un changement radical dans la perception de l'Algérie avec la prise du pouvoir de Bush junior et de ses relais républicains. Le second séjour de Bouteflika aux Etats-Unis était marqué par une rencontre au sommet avec George W.Bush qui l'invita alors que le Président algérien traversait une des crises internes des plus complexes marquée par les événements de Kabylie. Prenant à contre-courant les Européens, les Américains reçurent Bouteflika comme un partenaire incontournable au Maghreb et en Afrique. Ce fut l'occasion pour avancer des pions économiques, sous la forme d'un intéressement des firmes américaines, hors hydrocarbures essentiellement, à l'investissement dans un marché algérien qui présente la caractéristique interne de posséder un fort taux de consommation de produits américains, supporté par 30 millions de consommateurs et une caractéristique externe sous la forme d'une porte grande ouverte sur le marché africain. Les Etats-Unis, ayant dans le continent noir un ferment à l'extrémité Sud avec des relations privilégiées avec l'Afrique du Sud, ne pouvaient négliger plus longtemps le nord de l'Afrique. Si certains observateurs avaient émis des doutes sur les résultats de la rencontre du 13 juillet que la partie algérienne a gérée dans une discrétion absolue, l'affirmation de Bouteflika que l'investissement américain allait doubler d'ici à 2004 pour atteindre 8 milliards de dollars au lieu de 4 actuellement, est un signe qui ne trompe pas sur la bonne santé des rapports économiques. Si les firmes pétrolières américaines ont créé un appel d'argent frais dans le secteur des hydrocarbures algérien, les autres investisseurs commencent à se placer sur un marché en expansion surtout dans le domaine de l'agroalimentaire, des médicaments, des services, du transport et des télécommunications. La réussite de Coca-Cola-Algérie, les bons chiffres des laboratoires Pfizer, les marchés arrachés par General Motors dans le secteur ferroviaire et l'augmentation des crédits à l'investissement de l'US Eximbank de Kenneth Tineslay, qui avait invité Bouteflika à un forum d'hommes d'affaires, sont autant de preuves que la perception américaine du marché algérien a évolué vers plus de confiance. Ainsi, en marge du sommet d'affaires Etats-Unis-Afrique qui se tient à Philadelphie, Algériens et Américains ont décidé d'animer en commun le workshop «Doing business in Algeria», animé, côté algérien, par MM.Chakib Khelil, ministre de l'Energie, Hamid Temmar, ministre du Commerce et Aïssa Benghanem, DG de la Sonelgaz et, côté américain, par MM.Alex Cummings, P-DG de Coca-Cola Afrique, David Negel de BP Algeria, Charles Sarris de Pfizer et le P-DG de l'Eximbank, Tineslay. Ce workshop offrira l'opportunité aux 150 chefs d'entreprises algériens, qui ont fait le voyage, aux douze sociétés «gazelles» sélectionnées par les Américains et aux firmes américaines intéressées au nombre de 60 déjà présentes en Algérie, de défricher le terrain et de sceller des ententes commerciales. L'Algérie est de loin le pays africain qui est présent en force à Philadelphie et dont le point d'orgue sera la rencontre du 5 novembre Bouteflika-Bush à l'invitation de ce dernier et qui se déroulera à la Maison-Blanche. Les deux hommes seront d'autant plus en phase que l'aspect de la coopération antiterroriste a atteint un niveau d'échanges considérable et qu'il ne restera plus qu'à concrétiser la nouvelle connivence commerciale.