Le procureur tunisien, Tarek Chkioua, très critiqué en raison des poursuites qu'il a engagées contre des journalistes notamment, a été promu à la Cour de cassation, selon la liste des promotions publiée par le ministère de la Justice. Procureur de la République au tribunal de première instance de Tunis, il accède désormais à la fonction d'avocat général et substitut du procureur à la Cour de cassation, plus haute instance judiciaire en Tunisie. M.Chkioua est vivement critiqué par les ONG de défense des droits de l'homme car il a conduit l'accusation dans des affaires controversées qui se sont soldées par le placement en détention de journalistes et d'un syndicaliste. C'est à sa demande que le journaliste Zied el-Heni a été incarcéré vendredi, après que le reporter eut accusé le procureur d'avoir falsifié des preuves contre un caméraman pour l'impliquer dans une affaire de jet d'oeuf contre un ministre en août. Le vidéaste en question a passé trois semaines en prison, avant d'être libéré mais reste inculpé. Le lanceur d'oeuf, un cinéaste, est lui toujours en prison. M.Chkioua a aussi obtenu le placement en détention provisoire d'un syndicaliste des forces de l'ordre, Walid Zarrouk, qui a accusé ce procureur d'être à la solde des islamistes d'Ennahda, qui dirigent le gouvernement tunisien. Au sujet du cas de M. el-Heni, l'Association des magistrats tunisiens a critiqué la procédure ayant abouti à l'incarcération du journaliste, relevant que la plainte de M.Chkioua a été instruite par le tribunal où il exerce. «Etant ainsi juge et partie, il ne peut y avoir de jugement équitable», a dénoncé l'association. Dans ces affaires, les accusés sont incarcérés pour diffamation ou calomnie envers des fonctionnaires notamment, des délits passibles de prison ferme. Une partie de la société civile tunisienne et de l'opposition accuse Ennahda, la justice et la police de chercher à étouffer la liberté d'expression acquise grâce à la révolution. Deux rappeurs ont ainsi été condamnés fin août à 21 mois de prison pour des chansons jugées diffamatoires envers la police. Les deux jeunes, aujourd'hui en cavale, n'avaient pas été informés de leur inculpation, ni de la tenue d'un procès. Si M.el-Heni devrait être libéré demain après le versement d'une caution d'environ 1000 euros, son incarcération a néanmoins amené le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) a appeler à une grève générale des médias le 17 septembre. En octobre 2012, le Snjt avait déjà organisé un débrayage très suivi pour dénoncer les pressions du pouvoir contre la presse.