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Tahar Djaout, un écrivain-journaliste engagé dans un moment de crise
Publié dans L'Expression le 19 - 09 - 2013

Dans les moments de crise, un intellectuel « doit clairement prendre position pour clarifier les choses ». C'est la principale leçon tirée par Rachid Hammoudi du travail qu'il a consacré à la carrière de Tahar Djaout (1953-1993) et dont il conçu un livre actuellement en librairie.
« Tahar Djaout, un talent cisaillé » (L'Odyssée) se présente comme une chronologie des principales étapes du parcours de Djaout en tant que poète, écrivain et journaliste qui n'a pas hésité à prendre position au moment où le pays traversait, après octobre 1988, ses moments les plus critiques depuis l'indépendance.
« L'écrivain était un homme de principes. Il défendait crânement ses idées. Pour lui, l'enjeu dépassait les positions politiques des uns et des autres. C'est l'avenir du pays même qui était menacé par une idéologie totalitaire et liberticide (...) L'intellectuel doit aussi prendre position et clarifier les termes du débat », écrit M.Hammoudi.
Publiant des poèmes dans la presse depuis qu'il était au lycée Oqba de Bab El Oued (Alger), Djaout a entamé en septembre 1975 une longue carrière dans le journalisme culturel à « El Moudjahid » et « Algérie Actualité » avant d'embrasser le journalisme politique à partir de 1989.
Au départ de sa carrière, Tahar l'écrivain se cachait derrière Djaout le journaliste. « Il se sentait davantage romancier que journaliste, plus requis par l'aventure de la littérature que par le suivi d'événements au jour le jour (...) le journalisme était surtout pour lui le moyen d'établir des contacts, d'être toujours dans l'univers fascinant de l'écriture », rapporte-t-il.
Après d'octobre 1988, le pays a connu une ouverture politique et médiatique, consacrée par la Constitution de février 1989, avant de tomber dans une crise qui, aujourd'hui, se reproduit dans plusieurs pays du Maghreb et du Moyen Orient sous le titre de «printemps arab, avec des partis islamistes au pouvoir mais de plus en plus contestés.
« Djaout était toujours éloigné de la rubrique politique où l'expression était bridée mais semblait face aux enjeux redécouvrir avec émerveillement les délices de la libre expression », souligne l'auteur, lui-même journaliste.
«Au fur et à mesure que l'expression se libérait, Djaout exprimait ouvertement ses idées plaidant pour la réinvention de la raison, de la tolérance et de la logique dans une société qui a fait naufrage. La crise pour lui est davantage culturelle que politique. Beaucoup d'articles qui paraîtront tout au long de l'année 1989 portait en filigrane ce constat », ajoute-t-il.
L'auteur des «Vigiles » a commencé à écrire sur l'actualité politique à «Algérie Actualité », un hebdomadaire public lancé le 24 novembre 1965, devenu un titre de référence durant les années 1980 avant de disparaître en février 1996.
Mais c'est dans l'hebdomadaire «Ruptures », lancé le 13 janvier 1993, et dont il était le directeur de la rédaction, que son engagement a été le plus vigoureux, condamnant clairement l'islamisme politique et ses manifestations idéologiques dans les médias et l'école et critiquant sans cesse l'action du gouvernement.
« Djaout était devenu malgré lui un symbole (...) Dans un contexte fortement polarisé, il n'était plus le journaliste soucieux de présenter seulement des oeuvres littéraires, de se cantonner dans les limites étroites de l'actualité culturelle, il prenait des positions nettes et tranchées », indique M. Hammoudi qui était pigiste à «Ruptures ».
« La famille qui avance et celle qui recule » est le titre de la dernière chronique politique de Djaout parue dans «Ruptures » (20-25 mai 1993) et qui résume la quintessence de son analyse qui « place d'un côté les islamistes porteurs d'un projet moyenâgeux et ceux qui plaident pour une Algérie républicaine et moderne ».
« Ses contempteurs lui reprocheront cette vision réductrice qui n'introduit nulle nuance dans l'analyse », signale M. Hammoudi.
Victime d'un attentat terroriste le 26 mai, Tahar Djaout succombe à ses blessures une semaines plus tard. Il sera enterré dans son village natal, Oulkhou, à Azzefoun, dans la wilaya de Tizi Ouzou.
« Ruptures », qui regroupait des journalistes de talent comme Saïd Mekbel, Abdelkader Djamaï, Maachou Blidi, Nadjib Stambouli, Khadidja Zeghloul, Djamel Moknachi, Nadir Sebaa, Aissa Khelladi, Abdelkrim Djaad, Arezki Ait Larbi, Djohar Moussaoui, Malek Bellil et Arezki Metref, ne lui a pas survécu.


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