Le début de la campagne proprement dite a permis de voir d'autres visages et d'entendre un autre son de cloche. La possibilité qu'on aille vers un deuxième tour et qu'Ali Benflis mette en ballottage le président sortant n'est pas du domaine de l'irréel. Rien n'est encore joué. Cependant en l'absence de sondages fiables, commandés et financés par les journaux algériens, certains spécialistes au fait des coutumes du sérail politique à Alger se rabattent sur les informations distillées par le chancelleries occidentales. Pourquoi elles? La réponse est simple: ces chancelleries sont intéressées par l'évolution politique de notre pays à plusieurs titres. D'abord elles ont des intérêts de toute nature chez nous: intérêts commerciaux, économiques, diplomatiques, géostratégiques, voire tout simplement sécuritaires. Notre émigration est également analysée sous toutes les coutures par les capitales occidentales. Donc il serait faux de dire que l'Algérie n'intéresse pas ces pays. Tous ces Etats de vieille démocratie ont des instruments d'analyse très fiables et il ne fait aucun doute que des sondages très pointus ont été réalisés par elles à l'effet de connaître qui est le candidat favori des électeurs algériens, surtout à la lumière de la nouvelle loi électorale qui supprime les bureaux spéciaux pour les corps constitués et réduit considérablement le nombre des bureaux itinérants. Il y a de fortes chances que le scrutin se déroule dans un climat de transparence jamais égalé par le passé. Par ailleurs, la première semaine de campagne électorale a fait ressortir des paramètres tout à fait nouveaux, notamment les soutiens apportés à Ali Benflis par le mouvement Wafa, M.Touati du FNA et d'autres personnalités. Ces parrainages venus de différents horizons permettent d'enregistrer une montée en flèche d'Ali Benflis qui contraste avec la morosité qu'a connue la scène politique nationale ces derniers mois, alors que le président-candidat non encore déclaré sillonnait le pays en distribuant des enveloppes et occupait seul tout l'espace du petit écran. Le début de la campagne proprement dite a permis de voir d'autres visages et d'entendre un autre son de cloche, et l'électeur anonyme a compris de lui-même qu'il n'est pas du tout fatal que M. Bouteflika succède à lui-même. En fin de compte, et en dépit de ce qui a pu être dit auparavant, le jeu n'est pas du tout fermé. Tant mieux, pourrait-on dire. Cela va donner du piquant à un scrutin sur lequel pesait un soupçon de forte abstention. Une chose est sûre : l'électorat n'acceptera pas un scrutin à un tour : dans ce cas, la fraude sera par trop évidente. L'éventualité d'un deuxième tour mettra en évidence des reports de voix en faveur des deux candidats restés en lice. Ce sera certainement MM.Benflis et Bouteflika, mais il n'est pas exclu qu'un troisième larron coiffe l'un des premiers nommés au poteau. Cet ousider ne peut être que M.Djaballah, que l'élimination du docteur Taleb arrange grandement, alors même que la dispersion des voix de l'ex-FIS pourra facilement lui profiter. Autre ousider possible : Louisa Hanoune, pour laquelle de nombreuses femmes s'apprêtent à voter, de même que les travailleurs menacés de licenciement peuvent trouver un refuge auprès d'elle. Dès le lendemain du 8 avril, la possibilité d'aller vers un deuxième tour amènera les indécis à choisir désormais leur camp. On ira à ce moment-là vers le vote utile. Beaucoup d'hésitants quitteront le bateau Bouteflika pour rallier Benflis, mais le contraire sera aussi vrai. Il faudra choisir sur quel pied danser. La désignation du nouveau président se fera moins par les états-majors des partis et les personnalités que par les électeurs eux-mêmes, qui retrouveront leur liberté de choix. On espère à ce moment que les deux candidats accepteront un face-à-face télévisuel, qui permettra de les départager.