Les monarques et chefs d'Etat arabes seront demain et mardi à Tunis pour un sommet qu'on annonce celui des réformes. Il a été beaucoup question ces derniers jours, à Tunis, de réformes dans l'optique du sommet arabe (29 et 30 mars) qui aura à plancher, et sans doute à trancher, sur ce concept de réformes, notamment, en sus des au-tres points prévus à l'ordre du jour. L'un de ces points demeure le conflit israélo-palestinien, l'un des noeuds gordiens d'une réunion qui se tient, une fois encore, dans des conditions difficiles pour le monde arabe. En effet, comme à Beyrouth, en 2002, qui a vu Sharon empêcher Yasser Arafat de prendre part au sommet arabe du Liban, par l'assignation du président de l'Autorité palestinienne à résidence dans son quartier général de la Mouqataâ à Ramallah, le sommet de Tunis verra, cette fois, planer sur lui l'ombre de cheikh Yassine, assassiné lundi dernier par ce même Sharon. En 2002 au Liban, les Arabes avaient proposé à Israël, par le biais du plan de paix du prince héritier saoudien, Abdallah Ben Abdelaziz, la reconnaissance de l'Etat hébreu par les Etat arabes en échange de l'érection d'un Etat palestinien indépendant, en revenant au principe: la paix contre la terre. La réponse de Sharon est connue et a consisté à enfermer et à assiéger le président palestinien à Ramallah, dans le même temps où il lâchait son armée à Jénine, laquelle armée organisa un véritable pogrom de la population palestinienne de cette ville. A la veille du sommet de Tunis, c'est quasiment le même scénario qui se reproduit avec l'assassinat politique du cheikh Ahmed Yassine chef spirituel du mouvement Hamas mettant les Arabes en porte-à-faux. Aussi, est-il sérieux qu'un sommet arabe débatte des réformes - dont il reste entendu qu'elles sont importantes pour le devenir arabe, mais dont il reste encore à sérier la portée et la progression dans le temps - quand, plus que jamais, il est interpellé par la question récurrente du martyre du peuple palestinien. En réalité le contentieux israélo-palestinien met en déséquilibre toute démarche unitaire arabe tant que ce problème n'a pas trouvé sa juste solution et le peuple palestinien rétabli dans tous ses droits. Réformer le monde arabe c'est d'abord et avant tout régler la question palestinienne pendante depuis 55 ans. Ce que reconnaît d'ailleurs un document de travail des ministres arabes des Affaires étrangères qui planchent sur les propositions de réformes formulées par l'Egypte et la Jordanie, lequel document insiste «sur la nécessité de régler le conflit israélo-arabe, crucial pour les pays rabes». De fait, ce document égypto-jordanien reste très vague sur les données de ces réformes dont on se demande si elles se présentent comme des réformes «prêts-à-porter» pour chaque pays arabe, ou seulement des réformes ayant pour objectif en particulier la ligue arabe. L'une et les autres ont certes besoin d'un sérieux lifting, et ce dans tous les domaines, pour ne serait-ce que mettre en phase le monde arabe avec son environnement international. Mais encore faudrait-il que ces mutations, nécessaires certes, se fassent dans un contexte arabe clarifié, et dans un environnement autant arabe qu'international serein. Ce qui est loin d'être le cas, et le conflit israélo-palestinien d'une part, la crise irakienne d'autre part, les retards accumulés par l'ensemble des pays arabes enfin, ne sont ni propices et ne sont pas les mieux indiquées pour entreprendre une oeuvre qui demande volonté et disponibilité, ce qui est aussi loin d'être évident chez nombre de dirigeants arabes. De fait, d'après les échos qui parviennent de Tunis, les réunions des 22 ministres arabes des Affaires étrangères ont été plutôt houleuses, singulièrement pour ce qui est du débat autour des «réformes». Hier toutefois, il semblerait, que les chefs de la diplomatie arabe fussent sur le point de conclure un «compromis» à minima. Un minima qui n'engagera en fait à rien et que seuls les responsables arabes savent concocter. Sous couvert de l'anonymat, un responsable arabe présent à Tunis, a confié à la presse que le document qui sera soumis à l'analyse des souverains et chefs d'Etat arabes, comprendrait un comité d'application, indiquant «Après la première phase, qui est celle de la déclaration des principes de réformes, le plan prévoit la création d'un comité de tous les pays arabes qui étudiera le mode d'application». Ainsi, à défaut de renvoi sine die des réformes, quelque peu imposées de l'extérieur, les Arabes vont travailler sur des transformations dont, sans doute, on ne verra pas le bout avant les calendes grecques. De fait, la crédibilité du sommet de Tunis, et éventuellement les décisions qu'il sera amené à prendre, est battue en brèche par les absences déclarées, vendredi et hier, du prince héritier saoudien, Abdallah Ben Abdelaziz et du roi de Bahreïn, Hamad Ben Issa Al-Khalifa, de même que celle annoncée hier, du président mauritanien Mouawiya Ould Sid Ahmed Taya. Absences qui jettent un doute sur la tenue même du sommet, même si le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa a affirmé vendredi que «Le sommet se tiendra à la date prévue et il n'est pas question de le reporter».Pour sa part, le ministre tunisien des Affaires étrangères, Habib Ben Yahia, qui préside les travaux des chefs de la diplomatie des pays arabes a, de son coté, déclaré vendredi «Nous sommes en train de faire le point. Tous les membres de la Ligue seront présents mais il est possible que certains soient représentés par leurs ministres», affirmant «cela arrive dans tous les sommets». Certes, mais tenir un sommet arabe, avec en point de mire une question aussi importante que sont les changements projetés, en l'absence de quelques uns de ses ténors, cela ne fait pas sérieux et donne plutôt une impression de désordre.