La Tunisie a décidé de reporter sine die le sommet arabe qu'elle devait organiser aujourd'hui et demain. Pour une surprise cela en a été une pour les chefs de la diplomatie et les délégués arabes qui, dans la soirée de samedi, en étaient encore à négocier un compromis autour des réformes considérées comme le point nodal du sommet arabe de Tunis. Toutefois, l'annonce par Habib Ben Yahia, chef de la diplomatie tunisienne, à ses pairs arabes, de la décision de son pays de surseoir à l'organisation du sommet a pris à contre-pied tout le monde à commencer par le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, qui visiblement, ne s'attendait pas à une telle issue en queue de poisson alors que, vendredi encore, il démentait les rumeurs circulant sur un éventuel report, affirmant qu'il «n'était pas question de le reporter, que le sommet se tiendra en date et lieu». M.Moussa, et certains ministres arabes des Affaires étrangères, ont immédiatement cherché à rencontrer le président Zine El Abidine Ben Ali, pour avoir des explications, sans succès. Ce qui fit dire hier, à l'agence de presse officielle égyptienne, Mena, que le président tunisien «a refusé» de recevoir les personnalités arabes se trouvant à Tunis. Hier, les autorités tunisiennes ont catégoriquement démenti les allégations de l'agence égyptienne affirmant que cette information «est totalement infondée». En fait, c'est la première fois qu'un sommet arabe est reporté sans qu'il y ait eu consultation au préalable, ce que d'aucuns estiment comme une décision «unilatérale» de la Tunisie. De fait, samedi déjà, trois monarques -le prince héritier saoudien, Abdallah Ben Abdelaziz, le roi bahreïni, Hamad Ben Issa Al-Khalifa et l'émir Qabous d'Oman- et le président mauritanien,-Maouya Ould Sid Ahmed Taya-, avaient annoncé qu'ils n'assisteraient pas au sommet de Tunis. Un sommet censé débattre de l'important dossier des réformes envisagées pour les pays arabes et la Ligue des Etats arabes. Justement, il semblerait, selon les informations en provenance de Tunis, que ce sont ces réformes -sur lesquelles un «compromis» à minima, n'a pu être trouvé- qui seraient à l'origine du clash qui incita Tunis à reporter la tenue du sommet arabe. Selon l'agence officielle tunisienne TAP, la raison essentielle qui motive la décision de la Tunisie serait le fait de la «volonté de certains pays arabes d'avoir cherché à occulter des questions fondamentales comme le refus de la violence et du terrorisme» indiquant par ailleurs «Le souci (de la Tunisie) de contrer ces phénomènes dans le cadre de la coopération et de la solidarité internationale afin d'en enrayer les causes». TAP souligne d'autre part que la Tunisie «s'étonne que dans le projet de réformes, la démocratie ne soit pas mentionnée, tout comme certaines idées sur le rôle de la société civile, le dialogue des civilisations». En réalité, dès le départ le débat sur les réformes a buté sur la nature de ces réformes, leur profondeur, leur étalement dans le temps. De fait, sans doute acculés par les pressions extérieures, -notamment de la part des Etats-Unis-, les dirigeants arabes avaient-ils fini par inclure dans leurs programmes des projets de réformes. Mais des réformes qui, dans leur esprit, outre d'être envisagées à doses homéopathiques, ne sauraient intervenir dans un temps déterminé ou de manière très précise et contrôlée. Ils sont donc d'accord pour passer par des réformes, mais selon leur propre compréhension de ces réformes et leur disposition à réformer, en tout état de cause pas dans l'immédiat, comme le propose un texte de la Ligue arabe, qui a pourtant largement édulcoré ces réformes en prévoyant une application selon les «spécificités» de chaque Etat arabe. Ainsi, les Arabes continuent à tourner en rond et à couper les cheveux en quatre ne voyant pas que le temps joue contre eux, que cette région du monde a accumulé des retards incommensurables sur les avancées de la communauté internationale. Dans une déclaration à la presse, le secrétaire d'Etat tunisien aux Affaires étrangères, Hatem Ben Salem a confirmé que la Tunisie a décidé du report du sommet de fait de n'avoir pas «obtenu de soutien à ses idées de réformes» indiquant : «Au cours des discussions du sommet il est apparu des dissensions dans les positions sur certains amendements et propositions qu'avaient présenté la Tunisie et qu'elle considère essentiels, en ce qui concerne les réformes, le développement et la modernisation de notre monde arabe» précisant: «La Tunisie annonce avec regret le report de ce sommet que le monde arabe attendait avec grand espoir, en raison de la situation délicate du monde arabe et l'impasse de la question palestinienne au vu des derniers développements». La messe est dite, et une fois encore les Arabes ratent un rendez-vous considéré comme crucial pour le devenir du monde arabe.