Coup de théâtre en Tunisie avec le report sine die du sommet arabe. La meilleure chose qui puisse arriver au monde arabe ? On n'est pas loin de le croire tant dans la conjoncture qui est celle du monde en général et arabe en particulier, il fallait une certaine dose de courage pour frapper sur la table et réveiller une nation arabe engoncée dans le ronron dans lequel elle se complaisait. Tout compte fait, on peut estimer que le président tunisien, Zine El Abidine Ben Ali, a eu l'attitude de fermeté qu'il fallait pour crever l'abcès d'un faux consensus qui a, jusqu'ici, permis aux sommets arabes de n'aborder aucun problème qui fâche, ou en phase avec le devenir de la nation arabe et pouvant remettre en cause certaines positions acquises. Depuis 2001, le monde a changé, les stratégies se sont fixées autour d'enjeux qui travaillent un monde dominé par l'emprise de l'hégémonie américaine, au moment où les Arabes donnent l'impression d'être dépassés par les évènements et en plus laissés en marge de la marche en avant de la communauté internationale. En faisant l'autruche, en refusant de voir la nouvelle donne qui s'impose aujourd'hui au monde arabe - qui est celle de se réformer ou de disparaître - les dirigeants arabes ne mesurent pas en vérité l'abîme dans lequel ils sont tombés. Ankylosés dans leurs dictatures confortables, où les règles citoyennes n'ont pas droit de cité, les dirigeants arabes ne semblent pas avoir compris que les temps des «petits pères de la nation», ne font plus rire personne et sont à jamais révolus et que si les pays arabes ne se réformaient pas par eux-mêmes, d'autres sont décidés à le faire pour eux, sans doute contre eux. Les dirigeants arabes coincés par des intérêts égoïstes n'ont pas su s'élever à la hauteur des évènements qui marquent, ou ont marqué, la planète ces deux dernières années. En réalité, incapables d'analyse et de prospective, en général peu crédibles dans leurs démarches, les responsables arabes se sont exclus d'eux-mêmes des décisions concernant le monde arabe, singulièrement du règlement du conflit israélo-palestinien, comme ils sont de simples spectateurs de ce qui se fait présentement en Irak, dossiers dans lesquels les Arabes n'ont aucun droit de regard. La Palestine et l'Irak, deux vecteurs arabes clés, où l'absence des Arabes en dit long sur leur inertie et le peu de poids (politique) dont ils pouvaient se prévaloir dans leur propre région. Tunis a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase induisant un clash qui met à nu un groupe régional peu représentatif et peu crédible. Une fois de plus, en fait, les Arabes ratent un rendez-vous crucial pour le devenir du monde arabe. Aussi, Tunis a-t-il ainsi les résonances d'un Waterloo arabe.