Un pied là-bas et un ici, Rachid Doufane tente tant bien que mal, avec ses associés, d'organiser la profession artistique en Algérie... L'Expression: Quel but vous vous êtes fixé? Rachid Doufane: L'essentiel pour nous, c'est d'arriver à la construction du Syndicat national des artistes qu'on compte mettre sur pied d'ici au mois de mai, Incha'allah. Nous avons déjà installé 33 bureaux, c'est pourquoi nous avons mis en place un comité préparatoire. Le syndicat des artistes d'Alger a déjà ses élus (voir encadré). Et qu'en est-il du statut de l'artiste concrètement? Personnellement, je suis contre tel qu'il sera érigé par le ministère de la Culture et de la Communication. Il ne faut pas penser qu'à Alger uniquement, mais sur un plan global. Il faut organiser un statut universel. Les besoins d'un artiste sénégalais et d'un autre américain sont les mêmes. Je ne vois pas pourquoi, ici, on met en place un autre statut. Il faut maintenant qu'on rentre dans la mondialisation. Il y a des fédérations internationales auxquelles on a fait appel et elles vont nous aider. On a besoin d'un statut qui nous permet d'aller loin. Le ministère de la Culture ne doit pas nous imposer son statut. Ils ont fait un avant-projet mais je ne sais pas ce qu'il en advient. C'est aux artistes de faire leur statut, ce n'est pas au ministère. Qui y a-t-il à l'intérieur du ministère ? Des fonctionnaires qui ne connaissent rien ! Nous sommes maintenant au 3e millénaire. Dans le monde entier, le ministère de la Culture a un partenaire social qui est le syndicat obligatoirement. Heureusement qu'ils ont compris. C'est un grand plaisir de les voir ici (à l'Ugta, le 11 mars 2004). Maintenant, si le syndicat représente les artistes, le ministère représente l'Etat. Or, le statut concerne les artistes, c'est à eux de choisir. Cela concerne leur avenir. On ne peut pas mettre un tuteur à un artiste. Le ministère ne pourra rien faire sans syndicat. C'est un ensemble, une complémentarité. Pourquoi cela ne fonctionne pas toujours ? Parce que le ministère a toujours travaillé seul, il n'a pas eu de partenaire culturel... Vous êtes donc contre la contribution du ministère de la Culture et de la Communication dans l'élaboration de ce statut? Au contraire, on ne peut pas être contre ce qui est logique. C'est une nécessité, c'est obligatoire, c'est fondamental. Comment est né ce syndicat des artistes? Au vu de la situation désastreuse des artistes qui ne fait qu'empirer, nous avons pensé à nous regrouper. Nous avons interrogé une série d'artistes pour justifier l'existence de ce fonds de solidarité... Actuellement, où en sont les choses? On ne peut pas vraiment faire un syndicat parce qu'il n'y a pas de couverture juridique. Il faut maintenant qu'on s'attelle à créer le pôle juridique, les lois. L'objectif premier, c'est d'organiser la profession artistique. C'est la clé de tous nos maux. Parce qu'aujourd'hui, on ne sait plus qui est producteur, qui est éditeur. C'est la jungle. Chaque métier doit être défini selon les lois. A partir de là, on pourra mettre en place la base juridique. Vous ne pensez pas que vous avez beaucoup parlé et maintenant il faut passer à l'acte? On n'a pas beaucoup parlé. Le fonds de solidarité a été créé, parce que les faits sont là. Il faut qu'on discute avec l'Etat, leur dire: «Voilà votre rôle, nous sommes là. Soit vous voulez, soit vous ne voulez pas»... C'est l'Etat qui a les moyens, malheureusement les artistes n'ont en pas. La culture en Algérie, il faut le savoir, vit avec 0.13% du budget national. C'est une honte! Que comptez-vous faire? On lance un appel national et international de solidarité pour venir en aide aux artistes. Si on reçoit beaucoup d'argent, c'est tant mieux. Si on vient à parler politique, j'aimerai bien savoir ce que le futur président ou ces candidats prévoient dans leur programme pour l'artiste. J'aimerai bien qu'on me le dise. Comme ça, on pourra et on saura voter. Car la culture, c'est important. C'est l'âme du peuple. Si on enlève la culture, cela veut dire que le vide culturel, c'est la nourriture du fondamentalisme. Des projets en vue? Actuellement, je suis toujours en contact avec mes amis de la Fédération internationale des syndicats des artistes de France, on travaille pour mettre en place un grand spectacle en duplex Alger-Paris, qui aura lieu probablement au mois d'octobre avec nos plus grands chanteurs et des chanteurs français. Nous avons également contacté l'Ansej. On va encourager les jeunes à se lancer dans les métiers artistiques. On leur fera un prêt à condition qu'il y ait une charte de gestion de travail. Une garantie pour demain. Un producteur est un employeur qui emploie des artistes. Ces derniers, ce sont des employés. Ils nécessitent un contrat-type et une fiche de paie. Il doit payer ses charges, cela rentre dans le cadre de l'organisation de la profession artistique. Cela doit se passer dans les règles de l'art. on va orienter les jeunes qui ont des projets en ce sens, vers l'Ansej. Actuellement, c'est l'économie du marché, l'OMC. La musique algérienne se vend bien à l'étranger, je ne vois pas pourquoi c'est aux producteurs français de profiter des artistes algériens? Alors que si des producteurs algériens travaillaient selon les normes internationales, ils pourront directement vendre leurs produits à l'extérieur. Economiquement, c'est très important d'investir dans ce créneau ici, en élargissant la profession en Algérie.