François Hollande s'est une fois de plus exposé aux critiques en intervenant samedi dans l'affaire Leonarda sans saisir l'occasion d'affirmer une ligne claire sur l'immigration, laissant en première ligne son ambitieux ministre de l'Intérieur Manuel Valls. Sa décision d'autoriser la collégienne rom âgée de 15 ans, expulsée au Kosovo avec sa famille en situation irrégulière, à revenir seule en France, a suscité l'incompréhension et provoqué un tollé. L'adolescente a d'ailleurs aussitôt refusé cette offre présentée comme un geste d'humanité, mais qui revenait à séparer un enfant de ses parents et à traiter différemment Leonarda et ses cinq frères et sœurs. Le président français a choisi « le plus improbable des scénarios », écrivait dimanche Libération.fr (gauche), un choix « aussi baroque qu'invraisemblable », selon le Journal du Dimanche. « L'émotion est légitime, mais quand on est chef d'Etat, on ne doit pas confondre l'émotion et le devoir de gouvernement, le devoir d'autorité », a lancé le dirigeant centriste François Bayrou, qui avait appelé à voter pour François Hollande à la présidentielle de 2012. L'interpellation de Leonarda par la police lors d'une sortie scolaire le 9 octobre, alors que l'expulsion de toute la famille vers le Kosovo était programmée ce jour là, a soulevé une vague d'émotion dans une partie de la gauche et mis des milliers de lycéens dans la rue. Mais si une enquête administrative a conclu samedi à une « erreur d'appréciation » sur les conditions de cette interpellation, elle a souligné que la loi avait été strictement respectée. La demande d'asile de la famille Dibrani « a été rejetée à sept reprises et contenait des documents frauduleux », a souligné Manuel Valls dans un entretien au JDD. Sa « reconduite » au Kosovo « était donc justifiée ». Partisan de la fermeté dans la gestion des dossiers de l'immigration illégale, à rebours d'une culture de gauche prompte à se mobiliser pour les « sans-papiers », le ministre de l'Intérieur n'a eu d'autre choix que de voler au secours de François Hollande en saluant son « geste de générosité ». Mais il en a profité pour exposer sa ligne et souligner que « l'émotion ne peut pas être la seule boussole d'une politique ». « La France demeure une terre d'immigration, c'est son histoire. Mais pour que cette immigration reste une chance nous devons maîtriser les flux migratoires. Les étrangers, même en famille, même avec des enfants scolarisés, dés lors qu'ils n'ont plus le droit au séjour, doivent quitter le territoire », a-t-il souligné, en disant aussi travailler à « sauver notre système de l'asile à bout de souffle ». « Comment accepter que la demande d'asile ne soit qu'un prétexte pour rester en France », a-t-il dit. Vilipendé à gauche pour avoir déclaré que les Roms ont « vocation à retourner dans leur pays » car majoritairement peu soucieux de s'intégrer, le ministre de l'Intérieur jouit d'une popularité qui contraste avec le discrédit qui touche l'exécutif. Selon un sondage BVA, les trois-quart approuvaient sa position sur le dossier Leonarda. A l'inverse, la cote de popularité de François Hollande reste au plus bas en octobre à 23% tandis que celle du Premier ministre Jean-Marc Ayrault chute de deux points, à 28%, selon un sondage Ifop pour le JDD. « On est dans une période où l'opinion est tout à fait favorable à l'ordre républicain, à la discipline », selon le politologue Roland Cayrol. Mais une partie de la gauche « peine à comprendre » ce que veut dire « l'éthique de responsabilité », la différence entre l'exercice du pouvoir et le « fait de faire feu de tout bois quand on est dans l'opposition », observe son confrère Stéphane Rozès. M. Hollande a été accusé samedi d'"indécision caricaturale" par François Fillon, l'un des ténors de la droite déjà engagé dans la course vers la présidentielle de 2017. Ce n'est pas la première fois que le président français doit se défendre de cette accusation. En avril 2013 déjà, lors du premier anniversaire de sa présidence, il avait récusé ce terme. En fait, estime le politologue Jérôme Fourquet dans le Huffington Post, le comportement du président reste « assez conforme à son mode de fonctionnement quand il était à la tête du Parti socialiste où il apparaissait en homme de la synthèse et des équilibres entre courants ». Au risque de paraître esquiver des choix cruciaux, à quelques mois des élections municipales et européennes où l'extrême droite compte marquer des points.