Le discours réconciliateur du président a capté tous les chefs islamistes. Dans le déchirement qui touche le FIS et la mouvance islamiste de plein fouet, à dix jours de l'élection présidentielle, deux figures marquantes viennent de déclarer leur ralliement au président de la République, Abdelaziz Bouteflika et leur appui à sa candidature. Ce ralliement de dernière minute intervient à la veille de «la réunion des chefs» qui doit se tenir aujourd'hui même, et qui regroupe les principaux chefs de la mouvance islamiste de l'ex-FIS, dont Ali Djeddi, Abdelkader Boukhamkham, Kamel Guemazi, en plus de l'apport d'Ali Benhadj, figure charismatique du parti dissous, Omar Abdelkader, Rabah Kébir et Mourad D'hina, tous les trois résidant en Europe. Cette réunion des chefs a été rendue nécessaire parce que le fractionnement des islamistes de l'ex-FIS commençait à prendre des proportions graves. Kébir, le premier, s'est prononcé ouvertement en faveur de Bouteflika, tandis que Mourad Dhina contestait la tenue même du scrutin et le qualifiait de «nouvelle supercherie» destinée, une nouvelle fois, à induire en erreur le peuple. Rabah Kébir et Mourad Dhina, qui se disputent la représentation du FIS à l'étranger, jouissent chacun d'un argument de taille. Kébir se prévaut de la «légitimité historique» du congrès de Batna, de 1991 et d'avoir été l'un des architectes de la trêve de l'AIS de 1997, puis des pourparlers engagés avec l'armée, alors que Dhina puise sa légitimité du congrès clandestin organisé à Bruxelles durant l'été 2002 et du soutien dont il avait bénéficié de la part d'Abassi Madani. L'AIS avait montré de son côté, des signes de «frémissement politique» et s'apprêtait à s'aligner sur la politique de concorde civile initiée par Bouteflika. Madani Mezrag, l'émir national de l'AIS, avait promis de diffuser un communiqué de soutien et d'expliquer les motifs de cet alignement avant de mettre un bémol à son discours et d'attendre l'aboutissement de la «réunion des chefs». Les deux leaders constantinois du FIS, Hamouche et Dhaoui, avaient senti la montée en force de Benflis, principal concurrent de Bouteflika pour la présidentielle et s'étaient alignés sur sa candidature, apportant un soutien inattendu à ce dernier. Si aujourd'hui, Hachemi Sahnouni et Mohamed Bouyali font allégeance au président de la République, c'est pour, disent-ils, «concrétiser la réconciliation nationale et la concorde civile en Algérie». Les deux hommes appellent en outre, à voter massivement «en faveur du frère Abdelaziz Bouteflika». Hachemi Sahnouni, membre-fondateur de l'ex-FIS (en fait, c'est dans sa modeste maison de Bouzaréah qu'est né le parti en février 1989, au cours d'une discussion avec Ali Benhadj), aveugle, tribun redoutable, a fait partie des référents doctrinaux de la jeunesse islamiste urbaine, avant d'entrer en conflit ouvert avec Abassi Madani, qu'il dénonça lors de la grève insurrectionnelle de mai-juin 1991. Depuis, il vit en reclus chez lui et ne reçoit que de rares amis. Cependant, son audience au sein des islamistes radicaux reste importante. Mohamed Bouyali est le frère et le «compagnon d'armes» du mythique Mustapha Bouyali, fondateur et chef de la première organisation islamiste armée, le MIA. Cette organisation qui a mis à mal les autorités entre 1982 et 1987, a été décimée, et la fin de Mustapha Bouyali, le 5 janvier 1987 a été la fin des MIA. Les rares rescapés du groupe, Chebouti, Miliani, Baâ, ont rejoint les maquis islamistes en 1991-92, après l'interruption du processus électoral et la destitution du président Chadli Bendjedid. Le discours rassembleur d'Abdelaziz Bouteflika et surtout, ses options de concorde civile et de réconciliation (bien que difficilement vérifiables sur le terrain) ont capté les chefs islamistes, qui espèrent encore un retour à la légitimité politique.