Les nouvelles formulations du leader du FIS dissous ont suscité de profondes polémiques au sein de la mouvance islamiste. «Rabah Kébir, qui est rentré récemment d'Allemagne, en compagnie de son staff de l'Instance exécutive du parti dissous à l'étranger, rencontrerait des personnalités politiques du pouvoir, de la coalition présidentielle et de l'opposition», révèle une source proche du leader islamiste à L'Expression. Des personnalités politiques comme l'actuel chef du gouvernement et secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, le chef du MSP, Boudjerra Soltani et l'ancien président, Ahmed Ben Bella, seraient parmi les contacts de Kebir. Cette information a été donnée par le député Bouferrache, un «manoeuvrier politique» indépendant, très proche à la fois des leaders islamistes et des autorités et considéré par les connaisseurs comme une «interface» entre les deux depuis de longues années. La même information a été en partie confirmée par Madani Mezrag, qui nous avait affirmé, au lendemain du retour de Kebir en Algérie, que celui-ci «aura des contacts politiques de haut niveau». Le retour de Kebir, les nouvelles idées qu'il avait émises et le large débat qu'il a suscité au sein de la classe politique et au sein de la mouvance islamiste, ont «fouetté» le climat léthargique qui marquait le quotidien de la classe politique et de l'opposition. Partagés entre observation et hostilité, les partis ont tout de suite réagi au retour des chefs du parti dissous, chacun selon ce que lui dictait son idéologie ou son positionnement du moment. Mais tous avaient pu, à loisir, constater que les membres de l'Instance exécutive à l'étranger sont revenus avec des idées nouvelles et novatrices à la fois, et qui tendent, à la fois, vers une autocritique objective et sans complaisance: la citoyenneté, le retour à la légalité institutionnelle par une juste évaluation du contexte politique passé et présent et une équitable réconciliation. Les idées émises par cette Instance, et qui ont fait jaser autant Ali Benhadj, Abassi Madani ou Abdelkader Boukhamkham, ont eu l'effet de faire avancer la réflexion politique du courant islamiste vers plus de légalisme. Même si certains estiment qu'il faut discuter dans le cadre des «historiques» du parti dissous, ces mêmes chefs changent d'avis peu à peu, sous l'influence d'une réalité qui dépasse tout le monde, et Abassi Madani lui-même vient de dire, il y a quelques jours, qu'effectivement, il avait d'autres moyens que le FIS, pour s'exprimer. Dans une déclaration qu'il nous avait faite, Kebir disait: «J'ai toujours dit, et là je m'engage personnellement, que le FIS était un moyen, non une fin en soi. Ce moyen qui était le FIS a fait son chemin, a eu son temps et a pris fin. Sur la base des révisions dont nous avions discuté, tout à l'heure, il y a lieu de procéder à l'élaboration de nouvelles thèses sur la base de nouvelles règles. Je pourrais concevoir de continuer à travailler avec certaines démarches qui avaient prouvé leur efficacité et leur justesse, mais il faut rejeter ce qui a mal fonctionné. Maintenant, s'il se trouve encore des hommes qui estiment que tout notre passif était bien ou qu'il est sacré, à commencer par le sigle du parti, qu'ils assument ce point de vue en portant ses responsabilités. C'est pourquoi la forme de formulation politique islamiste, qui s'était appuyée principalement sur la confrontation (´´moughâlaba´´) doit désormais céder la place à une autre forme de formulation pacifique (´´moutâ-laba´´).» Le nouveau discours de Kebir s'articulera désormais sur une approche «conventionnelle» de la politique: «Ce sera donc ´´moutâlaba, moutâlaba, moutâlaba´´, et s'il y a ´´moughâlaba´´, qu'elle soit alors pacifique, légale et dans le cadre des règles établies. Voilà donc, en grosses lignes, en quoi consistera notre démarche (...) Oui, je vous dis que les donnes ont changé et notre discours et notre action ont évolué de manière positive. Après des années passées dans les démocraties occidentales, nous avons élaboré de nouvelles idées, avec de nouveaux moyens, et ce sera désormais la confrontation politique, pacifique et légale. Nous refuserons de jouer en dehors de ce cadre-là. Je tiens à rassurer autant notre base et nos partenaires politiques que les autorités elles-mêmes, que notre action, dans le futur, s'inscrira dans ce cadre précis, conformément aux normes et aux règles politiques du pays.» Le débat politique proposé par l'Instance exécutive, pour peu qu'il soit appuyé, peut faire évolué les choses vers plus de sérénité dans les rapports souvent houleux, voire explosifs entre les autorités et les islamistes.