A trois mois de l'élection, c'est toujours le silence le plus complet Lorsqu'un pays progresse, c'est généralement grâce à son opposition et non au pouvoir Généralement, on reconnaît une période électorale dans un pays, à l'effervescence de l'activité politique qu'elle suscite. A l'intensité des débats qu'elle engendre çà et là autour de l'avenir du pays et de son passé. A la diversité des programmes qui sont avancés dans la compétition; au discours politique qui envahit jusqu'à devenir parfois même fatiguant; aux invitations de la population à assister à des rencontres intellectuelles; aux tournées effectuées par les futurs candidats dans les marchés, dans les cafés pour essayer de faire entendre, chacun un peu plus, leur voix. Aux idées, à la passion qui habite les gens, aux ambitions largement affichées par les uns et les autres et cet air de fête de la démocratie qui se dégage de l'ambiance générale. On ne récolte que ce que l'on a semé Nous ne sommes qu'à quelques pas de l'élection présidentielle d'avril 2014 et nous ne voyons rien, n'entendons rien, ne sentons rien. L'Algérie, serait-elle un pays à part aujourd'hui? Nous sommes le seul pays au monde, pour ainsi dire, où l'on ne connaît pas les candidats à la présidence à six mois du jour de vote alors qu'ailleurs, à six mois, c'est déjà le branle-bas de combat. Est-ce faute d'avoir une démocratie ou est-ce parce que nous ne savons pas ce qu'est la démocratie? Et que fait donc l'opposition? Rien pour l'instant! Elle est simplement divisée entre, d'une part, ceux qui ne conçoivent leur rôle et celui de leur parti que dans le soutien de candidats externes au parti et, d'autre part, ceux qui, trop faibles pour exprimer leur opposition, essaient de jouer sur un attentisme inexpliqué et incompréhensible. Mieux, ces derniers s'accordent même à dire que, tant que l'actuel président n'a pas annoncé ses intentions, il est difficile de s'exprimer. Cela donne une idée, certes, sur la faiblesse de l'opposition chez nous, une faiblesse héritée du flirt qu'elle n'a jamais cessé d'avoir avec le pouvoir. Mais cela donne surtout une idée de l'ignorance qui est sienne de son rôle et de la méconnaissance de sa mission. C'est à croire que s'opposer dans un pays consistait uniquement à s'exercer aux discours pompeux pour gagner les voix de ses propres militants et à attendre le bon vouloir du pouvoir pour se manifester. C'est ce qui arrive lorsqu'on a une opposition plutôt éduquée dans l'acquiescement et l'applaudissement que dans la contradiction et le débat. N'est-ce pas ainsi que va la vie, au fond, et qu'on ne récolte que ce que l'on a semé? Lorsqu'on se met sous l'aile du pouvoir dès le départ, pour bénéficier de ses bienfaits, il est difficile par la suite de le contrarier. Quant à le contredire...il ne peut en être question. Ceci, l'autre côté l'a compris. Et bien compris. La preuve: l'opposition ne peut bouger en quelque sorte que lorsqu'elle en reçoit le signal. Et elle le dit tout haut! Y a-t-il quelqu'un dans la maison? Il ne reste plus que six mois au vote lui-même.Or, comme précisé par l'article 132 du code électoral de 2012, il est procédé à la convocation du corps électoral «quatre-vingt-dix (90) jours avant la date du scrutin». ceci nous laisse donc seulement... trois mois effectifs avant le départ de la période électorale et, à seulement trois mois, on ne sait encore rien des candidats, ni qui sera ou pas candidat comme si la candidature à l'élection présidentielle était, dans notre pays, un secret qu'il faut garder jusqu'à la dernière minute. A trois mois, c'est toujours le silence le plus complet. Y a-t-il quelqu'un dans la maison? Benflis, soutiennent certains médias, ne veut pas se porter candidat dans le cas où Bouteflika exprime l'intention de briguer le 4ème mandat car, ajoutent-ils, l'expérience lui a appris cela. Ouyahia, soutiennent d'autres, ne s'opposera jamais à Bouteflika, sachant qu'il n'aura aucune chance de gagner. Hamrouche, ajoutent d'autres médias, ne se présentera pas non plus tant que Bouteflika y est! Non, mais... A regarder de près, en démocratie, et lorsque le président en exercice n'a pas terminé le nombre de mandats que lui permet la Constitution, le plus souvent les élections se jouent entre le président en poste et l'opposition. Pour la France, par exemple, cela s'est joué entre Hollande et Sarkozy alors président, entre Le Pen et Chirac alors président, entre Mitterrand et Giscard d'Estaing alors président etc..., aux Etats-Unis, la dernière élection était bien entre McCain et Obama alors président. Tous ces gens avaient-ils dit que si le président en exercice est dans la course on n'y va pas? De quoi s'agit-il au juste? D'une peur que les élections soient truquées au profit de l'actuel locataire d'El Mouradia? De tout temps, cette peur a existé chez nous mais cela n'a jamais empêché les uns et les autres de se porter candidats. Djaballah, pour ne prendre que cet exemple, ne cesse jamais de critiquer l'honnêteté et la transparence de l'élection présidentielle, mais ceci ne l'a pas empêché d'y participer à deux ou trois reprises. Et puis, si l'on ne se porte candidat que lorsqu'on est sûr de gagner, alors à chaque élection, on n'aura qu'un seul et unique candidat, celui qui est sûr d'être le vainqueur!!! Etre dans l'opposition, c'est quoi? Choisir de s'inscrire dans l'opposition dans un pays est une bien lourde responsabilité de laquelle les uns et les autres auront, un jour, à répondre devant Dieu et devant les hommes. Il ne s'agit pas de «s'emburnousser» dans des airs de zaïms pour faire des discours passionnés devant une dizaine, une centaine, voire un millier de militants. Il ne s'agit pas, non plus, d'émarger à l'abreuvoir du pouvoir pour bénéficier de postes ici et là dans certaines institutions. Et il ne s'agit pas de s'adonner à des séances de questions-réponses avec quelques médias lorsque l'on en a reçu la permission. S'opposer, faire de l'opposition, est beaucoup plus noble et beaucoup plus sérieux que ces gesticulations politiciennes que cultivent malheureusement certains. Regardons autour de nous. Lorsqu'un pays progresse, c'est généralement grâce à son opposition et non au pouvoir lui-même. Lorsque, dans un pays, l'opposition connaît son métier, elle oblige le pouvoir à en tenir compte à chaque pas qu'il a envie de faire et à chaque mot qu'il pense prononcer parce qu'il sait que, en face, il y a une opposition forte et sérieuse, qui connaît son rôle et qui ne laisse rien passer. Mais lorsque l'opposition est faible ou qu'elle n'existe que dans les beaux bureaux et sur du papier, alors le pouvoir a toutes les latitudes. Il oriente le pays à sa guise, il décide de ce qu'il veut, quand il veut, comme il veut car il sait que, en face, il n'y a ni opposition ni contradiction. En fin de compte, si un pays réussit, c'est généralement grâce à son opposition et s'il échoue, c'est à cause d'elle. De sa défaillance! Alors qu'on cesse de développer les faux principes et de distribuer les illusions aux militants et aux citoyens! L'opposition est la véritable gardienne de la démocratie et du pays lui-même. Mais peut-on être gardien de la démocratie et défendre les intérêts du pays lorsqu'on n'a même pas le courage de dire, si oui ou non, on sera candidat à la prochaine élection présidentielle à laquelle il ne reste que quelques mois? C'est là, résumée, toute la défaillance de l'opposition.