La campagne électorale, telle qu'elle se déroule, ne serait qu'un scénario visant à crédibiliser la fraude programmée. C'est un Mouloud Hamrouche, très en forme, maniant à souhait l'art de la rhétorique et de l'analyse pointue, qui s'est présenté hier à la presse dans le cadre du forum d'Algérie New, que sponsorise l'Anep. D'entrée de jeu, il apparaît à ses yeux que «rien n'a changé depuis (sa) décision prise de ne pas se présenter à l'élection présidentielle». Cela même si l'on s'évertue à «présenter l'image d'une élection recelant d'importants enjeux, ce qui est loin de convaincre les deux tiers de la population, absolument désintéressés de ce scrutin». Il apparaît, cependant, que le tiers restant peut encore changer les choses ou, à tout le moins, provoquer pas mal de dégâts à la faveur des graves dérapages déjà constatés, alors que pas moins de 800.000 armes de poing sont en circulation, selon les estimations du ministre de l'Intérieur. A cette question posée par nous avec insistance, Mouloud Hamrouche met en avant deux probabilités. Dans la première, «ces dérapages pourraient faire partie du scénario global visant à crédibiliser le choix préétabli, dans le cadre de la fraude à laquelle est venue s'adjoindre la tromperie politique». Par tromperie politique, celui par qui les réformes politiques et l'ouverture démocratique étaient advenues, en-tend les «conflits et polémiques apparus entre personnes, an-ciens responsables et chefs de parti, généraux à la retraite, censés se trouver dans le même camp». Quant à la seconde éventualité, quoique peu probable semble-t-il dans l'état actuel des choses, «les dérapages constatés pourraient être les symptômes apparents d'un système qui touche à sa fin». Sur ce point précis, Hamrouche souligne que «le système nous a habitués à recourir à ce genre de violentes diversions dans le but de se régénérer». L'allusion, ici, est faite aux évènements d'Octobre 88. C'est pourquoi, et quelle que soit la vérité, Hamrouche souhaite que «ces incidents, d'une part, restent dans des proportions relativement acceptables et, d'autre part, ne quittent pas les supplétifs du système afin d'embraser toute la société». Il ajoute pour expliquer ce phénomène, que «comme dans tout débat excluant les alternatives, il était fatal qu'il dégénère en conflit entre personnes, avant de virer à la violence verbale, puis physique». Ainsi, l'ancien chef de gouvernement qui voulait placer des représentants du peuple au sein du pouvoir et qui constate aujourd'hui que le peuple n'a pas le droit véritable de voter en choisissant ses responsables et en sanctionnant d'autres, précise que «toute ouverture démocratique ne peut se faire sans l'accord de l'armée». Car, et quelles que soient les professions de foi défendues par cette institution, «elles sont hélas démenties par la réalité du terrain». Il en veut pour preuve les faits que «les partis politiques véritables sont encore interdits dans le pays». Il ajoute que «toute alternative véritable est proscrite dans cette élection venue consacrer le statu quo». C'est pourquoi, rappelle-t-il en souriant finement, que «mon slogan de 99 appelant au changement, repris en choeur par les candidats de 2004, va décevoir énormément les populations au matin du 9 avril puis-qu'aucun changement, tant institutionnel que politique, ou même relatif au vécu quotidien du citoyen, ne se fera jour». Le sujet de l'armée, cette grande équation aux multiples inconnues, a accaparé la part du lion de ce débat, toujours passionnant, parfois passionné. «Dans cette situation de déchirements, de crises multiples et de risques divers, il est pour le moins étonnant d'entendre l'institution militaire annoncer son retrait de la scène politique.» Il ajoute qu'«aucun parti politique n'est en mesure d'y suppléer. C'est donc au profit de groupes d'intérêts que cela va se faire. La chose en soi n'est pas interdite, puisqu'elle a cours ailleurs dans le monde, pour peu que ces groupes quittent l'ombre et se fassent clairement identifier ce qui, hélas, est loin d'être le cas». C'est, du reste, ce qui explique pourquoi Hamrouche a refusé d'accorder un entretien à K-News «tant que nous ne saurons pas de quelles circonstances est né ce groupe et avec quel argent il a fonctionné, la moralité m'interdit de traiter avec son principal représentant». Hamrouche, pour conclure, termine sur une note d'espoir puisque «la démocratie adviendra grâce à la volonté populaire».Reste à savoir quand et à quel rythme sachant que le plan américain frappe dangereusement à nos portes...