Le président Bouteflika, c'est du moins ce qu'affirme une partie de la presse algérienne indépendante, n'entreprend rien d'important sans en référer aux astrologues, aux talebs et autres voyants de toutes catégories, ayant la réputation de maîtriser les sciences de la divination ou de disposer de la baraka nécessaire pour intercéder auprès de la puissance divine. Il se chuchote que les autres candidats à l'élection présidentielle du huit avril ne dédaignent pas eux aussi de s'adresser en catimini à des voyants ou au moins de consulter régulièrement leur horoscope, Il est aujourd'hui avéré que la classe politique algérienne dans son immense majorité accorde une place prépondérante à l'irrationnel et participe grandement à l'enrichissement des astrologues, devins et charlatans de tout acabit: II y a ceux qui sollicitent à coups de millions de dinars la baraka des saints d'Algérie par l'intermédiaire des chefs de confréries religieuses ; ceux qui s'adressent aux voyants et voyantes qui lisent dans les lignes de la main, le marc de café, les cartes ou les entrailles d'animaux sacrifiés, II y a enfin ceux qui sollicitent le conseil d'astrologues ayant pignon sur rue. Beaucoup jouent sur tous les tableaux afin de mettre le maximum de chances de leur côté. Jouons nous aussi au jeu de la divination et demandons aux animaux du zodiac chinois de nous éclairer sur les chances de chacun des six candidats à l'élection présidentielle prochaine. Intéressons-nous donc à ce que l'astrologie (précisons qu'il s'agit ici d'astrologie chinoise) prévoit pour cette année électorale 2004. Dans le calendrier chinois, l'année 2004 (qui a commencé en fait le 21 janvier pour se terminer le 08 février de l'année qui suit) est l'année du singe, c'est-à-dire que c'est cet animal, parmi les douze que compte le zodiac (*), qui est aux commandes des affaires et qui marque de son empreinte indélébile tout ce qui se produit dans la vie des personnes et des sociétés. Pour les Chinois traditionnels, absolument tout peut arriver au cours d'une année que gère le singe. Celui-ci est un être multiple, malicieux, facétieux, un brin escroc, qui n'est jamais là où l'on croit qu'il est. II ne fait jamais rien comme tout le monde; par goût du jeu, il est capable de créer des situations inextricables et de s'amuser à voir comment les personnes vont en sortir. Concernant les six candidats à l'élection présidentielle, il ne fait aucun doute que le singe a ses préférences qu'il essayera de privilégier d'une manière ou d'une autre. Ali Benflis Par rapport aux cinq autres candidats au scrutin présidentiel prochain, c'est Ali Benflis qui tient le mieux la rampe et que les astres vont le plus chouchouter. Expliquons-nous : le candidat Benflis est lui-même né une année du singe (1944) qui plus est, est une année dominée par l'élément naturel bois, comme l'année 2004. Le singe de bois qui est aux commandes de 2004 ne peut donc que privilégier un autre singe de bois et lui donner sa préférence par rapport aux cinq autres candidats. Les qualités intrinsèques du singe (intelligence, ruse, habileté, lucidité, opportunisme et absence de scrupules) sont des qualités fondamentales pour un homme politique ambitieux. Ajoutons-y ces autres caractéristiques précieuses à l'homme politique ~ absence de sens moral, dissimulation, vanité et infidélité. A partir de là, il est facile de conclure que les astres ont choisi Ali Benflis comme prochain président de la République. C'est sans compter sur l'absence de profondeur, la propension au gaspillage et l'imprévisibilité de l'animal qui est capable de toutes les facéties, y compris de gaspiller tous ses atouts par imprévoyance, par jeu, ou par une trop grande confiance en ses possibilités de retourner les situations les plus désespérées. Et des atouts maîtres, Benflis en a beaucoup eu qu'il a gaspillés sans compter en 2003 et au début de l'année 2004 ; il s'est laissé enfermer dans un combat pour lequel il n'était pas encore parfaitement préparé et dont les règles étaient fixées par son adversaire direct. Jusqu'à maintenant la lucidité du singe, son habileté manoeuvrière, sa ruse et son opportunisme ne l'ont pas beaucoup servi, parce qu'il lui a manqué l'essentiel : le courage de donner un grand coup de pied dans la fourmilière et de plonger le système dans une crise politique profonde, dont il aurait pu tirer les dividendes. Le singe de bois a peur des vrais chamboulements ; c'est un réformiste, pas un révolutionnaire, comme pouvait l'être feu Houari Boumediene, singe d'eau (1932). Cette caractéristique à elle seule, peut lui faire perdre tout à le bénéfice de son année de naissance, N'est-il pas trop tard aujourd'hui pour asséner les coups fatals qu'il a refusé de porter hier à son adversaire principal, qui lui, ne se gène nullement pour user et abuser de coups bas? Cela ne dépend plus de lui. C'est l'environnement qui sera l'arbitre. L'administration, tout d'abord si elle joue le jeu de la neutralité ; la justice ensuite. L'armée, elle, a déjà choisi de ne pas s'impliquer, ce qui le prive d'un soutien tant espéré. Gagner les prochaines élections sera une véritable gageure pour le candidat Ali Benflis. Les astres l'ont doté des capacités physiques et intellectuelles pour bien se comporter ; il commence à rattraper une partie importante du retard qu'il a cumulé jusque-là, mais il ne semble pas disposé d'assez de temps pour refaire la totalité du handicap qu'il a lui-même laissé se développer en faveur du président-candidat. N'oublions pas que son adversaire ne reste pas les bras croisés entre-temps : il ne reculera devant aucun coup bas pour arriver à ses fins. Abdallah Djaballah Abdallah Djaballah, le président du parti islamiste El Islah est lui aussi né sous le signe du singe (1956, singe de feu). Comme tous les singes, il concentre en lui un certain nombre de qualités et de défauts majeurs qui font de lui un organisateur et un manipulateur génial. Contrairement à Ali Benflis, singe dominé par l'élément naturel bois, Djaballah est un singe de feu, c'est à dire flamboyant et brillant en société. C'est un orateur enflammé, grand manipulateur de foules, qui se laisse souvent griser par son propre discours. Comme tous les singes, il est calculateur et tend à brider sa tendance naturelle à l'extrémisme qu'il sait aujourd'hui interdite d'expression. On peut lui faire confiance pour la remettre au-devant de la scène à la moindre occasion propice. Djaballah, en singe réaliste, sait que ses chances pour décrocher la manne des prochaines présidentielles sont plutôt faibles. Le camp de l'islamisme intégriste qu'il représente ne pèse pas d'un poids suffisant pour gagner l'élection du huit avril. Mais on peut compter sur l'opportunisme, la lucidité et le sens du calcul juste du singe pour ratisser le plus large possible. Malgré la division avérée du pôle islamiste (partagé entre El Islah, HMS qui roule pour le président-candidat, Wafa qui a opté pour Benflis et les restes désarticulés du FIS dissous) Djaballah récoltera le maximum de voix qui feront d'El Islah un parti d'opposition, quasiment incontournable. C'est le plus important pour lui qui lorgne vers les prochaines législatives, qui risquent de se dérouler juste après les présidentielles du 8 avril. Louisa Hanoune Louisa Hanoune est née en 1954 sous le signe du cheval. C'est le signe préféré des Chinois en ce sens qu'il concentre en lui toutes les caractéristiques de l'aristocrate : indépendance, intrépidité, courage, esprit d'aventure et maîtrise de soi. Les personnes nées sous le signe du cheval aiment par-dessus tout leur liberté. Elles, sont par ailleurs excessives en tout. Louisa Hanoune, cheval de bois (l'élément naturel bois est celui qui est à l'honneur en 2004) est l'exemple du cheval dans toute sa splendeur, avec ses qualités et ses défauts. Ses qualités : la puissance (physique, morale et puissance de travail), le courage et la témérité, le pragmatisme, l'éloquence, la franchise qui frise le manque de tact, l'intuition et le flair, la soif de savoir et d'apprendre. Ses défauts eux-mêmes sont des attributs essentiels pour une carrière réussie et durable: égocentrisme, entêtement, indiscipline, impitoyable avec ses adversaires, impatience, irascibilité, mensonge. Ce sont ces caractéristiques qui ont fait que Louiza Hanoune est devenue la première femme algérienne (et arabe) à être candidate à une élection présidentielle au cours de laquelle elle ne fera pas de la simple figuration. La question qui se pose pour l'astrologue est de savoir si le singe qui préside aux destinées de l'année 2004 ne va pas s'opposer à la réussite du cheval: le singe aime assez le panache du cheval; il n'a pas accumulé de rancune, ni de jalousie contre lui. II ne s'opposera donc pas à la réussite des projets qu'il voudra bien entreprendre. Or, comme le projet de Louisa Hanoune n'est pas de devenir présidente de la République, mais plutôt de profiter de cette élection pour rafler un maximum de voix et se positionner pour les prochaines joutes électorales, le singe qui tient le gouvernail de l'année fera tout pour la satisfaire. On peut compter sur la pugnacité de la candidate, sa combativité, sa résistance et son sens de la formule pour attirer vers elle un maximum de suffrages (et pas seulement féminin. Ce sera suffisant pour lui assurer un nombre de voix important, qu'elle fera fructifier au cours des prochaines législatives. Faouzi Rebaïne Faouzi Rebaïne est né le 24 janvier 1 955, dernier jour de l'année du cheval. II concentre en lui toutes les qualités et défauts du cheval: combativité, courage, témérité, égocentrisme, entêtement...Tout comme Louisa Hanoune on peut lui faire confiance pour tirer le maximum des prochaines élections présidentielles, même si ce maximum ne se concrétisera pas par un nombre important de suffrages exprimés en sa faveur. En tant que représentant d'un pôle politique saturé (le pôle nationaliste), Rébaïne Joue sur un terrain encombré par des personnalités autrement plus représentatives que lui : Bouteflika et Benflis. Ceux qui voteront pour lui le feront surtout parceque sa personnalité les attire : courage, franchise et même démagogie (parce que le candidat ne se gênera pas pour faire toutes sortes de promesses qu'il n'aura pas à tenir). Cela ne suffira pas pour récolter un nombre significatif de suffrages. Cela ne lui importera pas plus que cela : l'objectif qui est le sien est de positionner son parti AHD 54 pour les prochaines joutes électorales : tous les gains qu'il peut engendrer aujourd'hui seront les bienvenus demain. Saïd Sadi Saïd Sadi est né sous le signe du cochon, avec comme élément naturel le feu qui lui donne sa flamboyance et son sens de la réplique et du mot juste. Fondamentalement, le cochon n'est pas armé pour être ou devenir un grand homme politique : c'est un signe de bonté, de candeur, de générosité et d'altruisme. Comment avec de telles qualités, un cochon, peut-il être un grand homme politique? C'est tout le contraire de l'homme politique rusé, sournois et égocentrique. C'est compter sans d'autres caractéristiques du cochon qui le rendent apte aux jeux de la séduction et au combat d'idées: intelligence, intuition, séduction, sarcasme. Ce signe a donné quelques très grands hommes politiques, à l'image de Ferhat Abbas (1899) en Algérie et Henry Kissinger (1911) aux Etats-Unis. Saïd Sadi fait partir de cette catégorie de cochons qui peuvent faire merveille dans le monde politique, même si parfois, sa naïveté ou sa candeur transparaissent dans des réactions étonnantes (rappelons-nous cette déclaration faite au lendemain d'un échec électoral en 1990 «je me suis trompé de société») et dans des alliances politiques saugrenues (participation aux deux premiers gouvernements de Bouteflika). Quel sera le comportement du singe qui pilote l'année 2004 vis-à-vis du cochon? En règle générale, le singe aime le cochon avec lequel il s'entend très bien. II ne fera rien pour contrarier l'ambition du président du RCD de réunir le maximum de suffrages à l'élection présidentielle du 8 avril. Toutefois, partant avec un handicap important (tout le passif qu'il a accumulé vis-à-vis de la Kabylie, son vivier naturel - qui ne lui pardonne toujours pas son compagnonnage de deux ans avec le président Bouteflika - et l'opposition des «arouch» et du FFS qui considèrent sa candidature à l'élection présidentielle comme une véritable provocation) il ne pourra, au mieux, que limiter les dégâts. Le singe, même s'il a une appréciation positive du cochon, ne pourra rien faire pour assurer la victoire de Sadi au scrutin du 8 avril. Il fera de son mieux pour que le pari fait par le leader du RCD d'amener aux urnes le maximum d'électeurs d'un pôle démocratique explosé (malgré l'appel au boycott des «arouch», du FFS et du MDS et la concurrence de Louiza Hanoune et de Ali Benflis) ne soit pas perdu. Abdelaziz Bouteflika La biographie officielle du président Bouteflika situe sa naissance en 1937, c'est-à-dire sous le signe du boeuf, avec le feu comme élément naturel associé. Certains traits évidents de son caractère confirment son appartenance à ce signe du zodiac chinois : autoritaire, tyrannique, violent, fier et imbu de sa personne, égocentrique, vindicatif et jaloux. Ajoutons-y une force de travail exceptionnelle, un esprit de solidarité hors normes vis-à-vis de ses proches et une ténacité sans faille. Comment le singe qui est aux commandes de l'année 2004 se comportera-t-il avec le boeuf Bouteflika? Le singe n'a pas d'atomes crochus avec le boeuf à qui il reproche sa violence et son côté vindicatif : en principe, il ne fera rien pour l'aider à concrétiser ses ambitions au cours de l'année qu'il gère. En règle générale, le boeuf n'est pas très à l'aise au cours d'une année du singe ; et c'est le cas du président-candidat qui a entamé l'année 2004 avec une série de problèmes qu'il n'avait pas l'année précédente : retrait du soutien de l'armée, refus de beaucoup d'organisations de prendre fait et cause pour lui, faiblesse des redresseurs incapables de prendre d'assaut la forteresse du FLN, pugnacité de ses adversaires, etc. Toutefois, ayant accumulé au cours de l'année précédente une série d'atouts importants, il serait étonnant qu'il puisse les gaspiller en totalité avant la date fatidique du huit avril. Sa situation est inverse de celle de son principal adversaire, Ali Benflis ; ce dernier a gaspillé la plupart de ses atouts maîtres au cours de l'année 2003 ; il n'a commencé à redresser la barre que depuis l'entrée de l'année du singe, le vingt et un janvier dernier ; trop tard pour une victoire le huit avril. Bouteflika, par contre, a engrangé les avantages, les uns après les autres au cours de l'année précédents et a pris de ce fait une avance trop importante pour pouvoir être rattrapé avant la date trop proche du scrutin, malgré l'adversité affichée par le singe, maître de l'année 2004. Au vu de ce qui précède, on peut donc donner le pronostic des astres pour le prochain scrutin présidentiel. II sera conforme à ce que la logique et l'analyse politique rationnelle commandent. Bouteflika sortira vainqueur de ces élections au premier tour avec légèrement plus de la moitié des suffrages exprimés. Le taux d'abstention d'environ 40% jouera en sa faveur. Ali Benflis ne réussira pas à remonter la totalité du handicap qu'il a cumulé et se positionnera en deuxième place, suivi de Djaballah qui engrangera la majorité des voix du pôle islamiste. Louisa Hanoune sera la première des candidats du pôle démocratique, avant Sadi, qui souffrira le plus de l'appel au boycott des «arouch» et du FFS. Comme prévu, Rebaïne fermera la marche avec moins de 100.000 voix, sur 18.000.000 d'inscrits et un peu moins de 11.000.000 de votants.