La courbe de carrière de l'ancien tribun de Belcourt l'a mené d'un bout à l'autre d'une vision islamiste du monde. L'Expression: Après un silence de plusieurs années, vous surprenez tout le monde par ce ralliement de dernière minute au président Bouteflika. Pourquoi ? Hachemi Sahnouni : D'abord, je tiens à préciser que mon soutien à Abdelaziz Bouteflika n'est pas récent et date de 1999. A cette époque-là, nous l'avions déjà soutenu et nous avions cautionné sa politique axée principalement, sur la nécessité de concrétiser la concorde civile, avant de parvenir à quelque chose de plus global, et qui est la réconciliation nationale et la paix retrouvée. Concernant mon soutien actuel au président Bouteflika, il y a un motif assez fort qui m'incite à lui apporter encore ma caution. Ne perdons pas de vue que l'homme avait promis trois choses en 1999, à savoir parvenir à la concorde civile et éteindre les feux de la discorde, donner de l'Algérie une autre image que celle d'un pays en guerre, et enfin, relancer l'économie nationale. Je pense qu'il a réalisé au moins une partie de ce qu'il avait promis de réaliser et nous sommes aujourd'hui encore avec lui, pour l'aider à réaliser ce qui lui reste à réaliser. Votre soutien ne correspond pas à la prise de position du «groupe des six» (Abassi Madani, Abdelkader Boukhamkham, Ali Djeddi, Kamel Guemazi, Omar Abdelkader et Mourad Dhina, Ali Benhadj ne pouvant signer le document, ndlr) qui a annoncé, il y a une semaine, qu'il ne pouvait cautionner aucun candidat avant de savoir de quoi sera fait le lendemain de ce candidat... Ecoutez, le manque de cohésion dans les prises de positions politiques de la part des leaders de l'ex-FIS dénote, en fait, l'absence d'un cadre légal pour s'exprimer. Le parti a été dissous et les structures qui existaient ne sont plus, donc chacun essaye de son côté d'exprimer sa propre opinion, son propre point de vue et son engagement personnel. On ne peut en vouloir à personne d'exprimer une idée qu'il pense être juste. Donc, il n'existe pas à l'heure actuelle, un cadre et un hors-cadre, mais ce sont des positions qui engagent des hommes, des «idjtihadate». Notre position à nous reste inchangée. Nous sommes des hommes de paix, et c'est dans la logique des choses que notre position soit celle de cautionner celui qui fait de la paix son maître-mot. Je vous informe qu'en août 1999 déjà, nous avions créé l'association «El wiâm et l'orientation sociale». C'était l'ébauche d'une association de bienfaisance qui s'occuperait de l'orientation religieuse et sociale dans un cadre de réconciliation et de paix. L'association n'a pas été agréée, je ne sais pas pourquoi. N'empêche, nous avions continué à militer dans un esprit de paix et de concorde. Tout cela nous amène à supposer que les idées développées par le président en ce sens sont bonnes, je dirais même que sa politique de réconciliation nationale est une obligation pour nous, parce que Dieu et son prophète nous incitent à l'union, à la concorde et à la paix. Justement, c'est l'avis des autres leaders de l'ex-FIS. Mais eux, ils pensent que la concorde civile et la réconciliation nationale prônées par Bouteflika restent des ébauches d'idées, des voeux pieux, ou peut-être un piège pour capter l'adhésion des islamistes. Qu'en pensez-vous? Je pense que le souhait de paix est réel, que la concorde civile reste la préoccupation majeure du président, mais que les choses tardent à venir. Bouteflika a donné les grands axes de cette politique de paix, mais il ne lui revient pas à lui tout seul d'appliquer sa politique sur le terrain, et quotidiennement. Je présume qu'il y a des gens qui sont assez bien placés et qui ne partagent pas avec lui cette option et qui tentent donc, de perturber cette politique de concorde. C'est évident. Il est clair que nous aussi, nous ne sommes pas contents de tout ce qui a été fait jusque-là, mais nous souhaitons que durant son second mandat, s'il est réélu, Bouteflika mène la paix, la concorde et la réconciliation à leur terme. Mourad Dhina avait appelé au boycott de l'élection. Ne risque-t-il pas d'influencer les autres chefs islamistes qui restent encore très partagés sur la question? Ecoutez, nous avons, pendant longtemps, joué la carte du boycott, du retrait et de l'oppositionnisme. Qu'est-ce que cela nous a ramené? A quoi cela a-t-il servi? A rien... Aujourd'hui, je pense que le rôle à jouer est celui d'être pratique, réaliste et influent, non de se tenir en retrait des choses. Il faut tirer un trait sur le passé, sur ce qui s'est passé, d'arrêter de polémiquer sur celui qui avait tort et celui qui avait raison. Tout cela est d'une inanité mortelle. Je pense sincèrement qu'il nous faut corriger ce qu'on a fait par le passé et arrêter d'accuser les gens et de nous accuser les uns les autres. Les islamistes doivent regarder vers l'avenir et aller de l'avant, car l'argument reste avec celui qui fait, non avec celui qui dit, et les islamistes ne peuvent rien espérer en partant d'un vide. Il est temps pour nous d'avoir un poids qui pèse, un mot à dire et un rôle à jouer. J'ai lu et étudié le programme de Bouteflika et je reste convaincu qu'il peut apporter la paix qui manque au pays. Le président-candidat dit qu'il n'exclura personne pour arriver à la paix totale, parce que chacun a le droit de dire et de faire. Notre position signifie, aussi que nous sommes à ses côtés pour concrétiser une oeuvre de piété et une profession de foi qu'est la concorde civile.