Hier, la foule des grands jours était au rendez-vous à la salle Saïd-Tazrout de Tizi Ouzou. Une salle que l'administration avait refusée au FFS pour son meeting et qu'il a pratiquement occupée «manu militari». Des jeunes militants ayant fait sauter les cadenas et entrer la foule qui attendait impatiemment Zenati et les autres cadres de ce parti. A l'intérieur une affiche retient l'attention: «Pour une transition démocratique et une assemblée constituante!» Ce n'est que vers 13h30 que M.Djamel Zenati accompagné de MM.Ali Kerboua, ancien premier secrétaire national, Karim Tabbou secrétaire national à la communication et du fédéral, M.Salim Boudjemaâ, pénètre dans la salle. L'arrivée de la délégation soulève un tollé : «Djamel ! Djamel !» crie la foule. Ce dernier, très ému salue la salle. Le fédéral prend la parole en premier en déclarant : «La campagne électorale est en principe un espace où l'on peut intervenir, on a le droit de donner notre idée et d'exposer notre vision (...) mais comme la majorité du peuple, et nous avec, sommes exclus de cette démarche!» Et d'ajouter : «Nous sommes là, nous resterons ici pour défendre notre pays!» Et la salle de répliquer: «Assa azekka FFS yella! yella!» Puis c'est au tour de M.Karim Tabbou de prendre la parole. Il signale «plusieurs arrestations de militants, comme il y a aussi des militants menacés de mort hier à Tizi Ouzou!» Puis il axe son intervention sur «le boycott car, pour lui, c'est une mascarade électorale et les candidats redonnent du souffle à la dictature!» A propos des observateurs internationaux, Tabbou ironise : «On les a logés à El Aurassi et on leur a donné des jumelles pour... observer l'horizon!» Il poursuit en déclarant: «On est en train d'instrumentaliser la détresse des jeunes. C'est aussi cela, la fraude électorale...» Et d'appeler à la sanction pacifique, citoyenne en boycottant le scrutin. Ali Kerboua a, quant à lui, développé les raisons qui font que le boycott semble la seule démarche citoyenne responsable. Car pour M.Kerboua: «Voter aujourd'hui, c'est contribuer à aider le pouvoir à sortir de l'impasse !» Et après avoir affirmé que «le pouvoir est handicapé par son manque de légitimité!» d'évoquer le fait que «le pays n'a jamais eu autant d'argent, mais le peuple est dans la misère...l'argent du pétrole a été donné aux mafias locales !» La salle est en délire! Enfin, Djamel Zenati prend la parole. L'assistance entonne l'air bien connu : Roh ami roh... le FFS youaâr matchi d'latchichi! Djamel Zenati commence par dire : «Je n'ai pas claqué la porte, car il n'y a pas de porte!» Et pour tamazight, il dira : «Tamazight langue nationale et officielle pour tout le pays et avec la démocratie ! La lutte pour la démocratie est un devoir!» Pour la médaille de rhétorique du FFS : «Les élections à venir visent à reconduire le système, y participer serait une grosse trahison pour la citoyenneté !» Comme il ajoute que «le système est un obstacle au développement !» L'orateur s'élève contre le régionalisme : «Le combat doit se mener aux côtés de tous les Algériens !» Ayant le sens de la répartie et de l'à-propos, maniant admirablement le verbe, Zenati a marqué hier de son passage, la ville de Tizi Ouzou. Par ailleurs, le Front des forces socialistes a choisi les deux derniers jours de la campagne électorale officielle pour intensifier sa campagne de boycott actif, qui était jusque-là timide. Hier, ses principaux responsables étaient à Akbou pour animer un meeting populaire. Ahmed Djeddaï, Djoudi Mammeri, Bouhadef et Khaled Tazaghart ont, durant près de deux heures, harangué une foule nombreuse, qui était au rendez-vous sur la place Amirouche. Fidèle à lui-même, l'ex-secrétaire national du FFS, M. Ahmed Djeddaï, n'a pas été tendre avec le scrutin de la présidentielle qu'il a jugé comme une sorte «d'alternance clanique du pouvoir» d'où l'option de boycott actif prônée par son parti. Parlant des six candidats en lice, l'orateur dit qu'«ils sont l'illustration parfaite de cette alternance». Réaffirmant le caractère nationaliste de son parti, l'orateur a alerté l'opinion sur les dangers du «régionalisme qui pointe du nez». Abordant la situation politique actuelle du pays, Djeddaï s'est montré inquiet de ces «nouveaux procédés archaïques en vogue», allusion directe «aux archs et zaouias, etc.». Le harangueur de foule du FFS ne s'est pas montré aussi radical qu'il l'avait été lors de la campagne de boycott des législatives de 2001 en se contentant d'appeler les électeurs «à ne pas se rendre dans les isoloirs le 8 avril». Plus virulent était l'ex-secrétaire national à la jeunesse, en l'occurrence Khaled Tazaghart, qui a affiché une attitude intraitable par rapport aux archs, au RCD, à BRTV et à l'UDR. Ces derniers sont tous, pour lui, tout simplement «des traîtres». Usant de mots durs, l'orateur tirera à boulets rouges sur tout ce qui ne s'inscrit pas dans la ligne de son parti, faisant du FFS «le sauveur le plus proche des démunis, le plus clairvoyant». L'intervention la plus réconciliatrice et mesurée reste celle de l'actuel premier secrétaire national du FFS, M.Djoudi Mammeri, qui a appelé les militants à un travail d'équipe pour faire aboutir le projet du parti. Un appel qui sonne comme une volonté de réconcilier la famille FFS qui vit une crise interne que tout un chacun tente de réduire à défaut de l'éliminer. En tant que premier responsable du parti, il a profité de l'occasion de cette sortie publique à Akbou pour lancer l'idée d'une réconciliation des positions antagonistes au sein du plus vieux parti d'opposition. C'est du moins ce que l'on peut saisir de son discours. Notons enfin que cette première grande sortie du parti d'Aït Ahmed à Béjaïa s'est déroulée dans la sérénité qui en dit long sur la place retrouvée du plus vieux parti d'opposition en Algérie.