La population de Tripoli se révolte contre les exactions des milices L'armée se déployait dans la capitale libyenne hier après des heurts meurtriers sur fond de tensions entre groupes armés de Tripoli et milices de Misrata, ces dernières ayant reçu l'ordre de se replier. Les autorités de la ville de Misrata ont donné 72 heures à leurs miliciens pour quitter la capitale quasiment paralysée depuis vendredi par des incidents liés à la présence des milices, qui défient le pouvoir central et sèment l'anarchie dans le pays en l'absence de police et d'armée professionnelles. Le bref enlèvement du numéro deux des services du renseignement libyen, Moustapha Nouh, a mis en évidence la faiblesse de l'Etat face à ces milices constituées sur des bases régionales ou idéologiques. M.Nouh, enlevé dimanche, a été libéré hier, a indiqué une source au sein des services du renseignement, sans donner de détail sur cet incident. Des dizaines de blindés de l'armée se déployaient hier dans la capitale libyenne. Des soldats juchés sur des blindés se dirigeaient vers le centre de la ville, sur la route longeant la mer. Ce déploiement exceptionnel de l'armée libyenne, en cours de formation, intervient sur instruction du ministère de la Défense sur fond de tensions entre groupes armés de Misrata et de Tripoli. Des violences avaient éclaté vendredi quand une milice originaire de Misrata, installée dans le sud de Tripoli, a tiré sur des manifestants pacifiques venus réclamer son départ de la capitale. En représailles, des hommes armés ont attaqué le QG de cette milice, au prix d'affrontements qui ont fait au moins 43 morts et plus de 450 blessés, selon le ministère de la Santé. Samedi, d'autres milices de Misrata avaient tenté de venir leur prêter main forte, déclenchant de nouveaux incidents à l'entrée de Tripoli. Dans un communiqué, Human Right Watch (HRW) a appelé le «gouvernement libyen à tenir immédiatement sa promesse de désarmer les milices et d'enquêter sur les événements». «Le gouvernement doit aussi expliquer pourquoi la police et les forces militaires ne sont pas intervenues pour arrêter la tuerie», a estimé HRW, soulignant que «les milices de Misrata ont tiré sur des manifestants pacifiques avec des fusils d'assaut, des mitrailleuses et des armes lourdes». Des dirigeants locaux, dignitaires et commandants ex-rebelles de Misrata ont réclamé le «retrait de tous les ex-rebelles de la ville de Misrata se trouvant à Tripoli quelque soit leurs groupes ou noms (...) sous 72 heures», dans un communiqué lu tard dimanche. Ils estiment que les heurts résultent d'un plan préparé d'avance «pour porter atteinte à l'image de la ville et la montrer comme si elle était l'obstacle à la construction de l'Etat». Après un calme relatif dimanche, les violences ont touché hier la ville de Benghazi, chef lieu de l'Est libyen où le gouverneur militaire de la ville a échappé à une tentative d'assassinat au cours de laquelle un de ses compagnons a été tué et un autre grièvement blessé. Les incidents de vendredi, les plus meurtriers à Tripoli depuis la révolution de 2011 qui a renversé Mouamar El Gueddafi, ont ravivé la colère des Tripolitains, qui ont observé en nombre hier une deuxième journée de grève générale. La capitale et ses banlieues sont quasi paralysées. La plupart des magasins ont laissé leurs rideaux baissés ainsi que les banques et établissements publics, à l'exception de quelques commerces. Le Conseil local (mairie) avait appelé à une grève générale de trois jours à partir de dimanche «en signe de deuil» et de solidarité avec les familles des victimes.