Très riche en films, la journée de dimanche dernier a comporté la projection de cinq documentaires, du bon au mauvais et un long métrage sur la Révolution algérienne... 50 ans après avoir été condamné à mort, un homme, Mustpaha Boudina, aujourd'hui sénateur et président de l'Association nationale des condamnés à mort, retourne dans la cellule du couloir de la mort (à Fort Montluc à Lyon en France) où il a passé plusieurs années de détention. Là, il prie et raconte ce qu'il a vécu. Le film présente d'autres témoignages d'hommes politiques français à l'image de Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères, d'avocats, d'historiens comme Ali Haroun et Benjamin Stora et d'anciens détenus du Fort Montluc. Dans ce documentaire décliné entre témoignages de l'indicible horreur de la guerre et la torture, par la lecture d'extraits du livre de Boudina (Rescapé de la guillotine) par un jeune comédien, mais aussi par l'esquisse de tableaux sanglants signés Zouhir Boudjemaâ, Mohamed Zaoui va suivre donc cet ancien geôlier dans ce sanctuaire de la gégène devenu aujourd'hui un mémorial. L'on apprend ainsi que beaucoup d'Algériens ont été guillotinés dont 11 des ses compagnons, un an avant la signature des accord d'Evian. Soit à la période du cessez-le-feu. Cela dénoterait du sentiment de panique et de désespoir du général De Gaulle qui, pour faire taire les assassins de l'OAS, leur offrit les têtes des soldats du FLN. Un film poignant qui entre dans la section «films sur la Révolution algérienne» inscrite dans la journée de dimanche dernier. Cet hybride de par un genre qui se veut informatif et artistique, fait aussi appel à une esthétique éclatée qui se cherche pourtant, imputant à ce documentaire un côté théâtral et un rythme des plus particuliers. Néanmoins, a tenu à faire remarquer le réalisateur: «Pour ce faire, je n'ai demandé aucune aide ni du ministère de la Culture, ni des Moujahidine ni d'aucune société algérienne privée. Le film a été nominé tout de même au Festival de Doha et il est passé aussi au festival d'Alexandrie, mais on ne comprend pas pourquoi il ne passe pas à la télé algérienne. Il faudrait peut-être qu'il passe par la France pour qu'il y ait une place ici..» regrette-il. Et M.Boudina de confier, amer: «59 années de guerre après et 51 ans d'indépendance et des condamnés à morts continuent à vivre dans des baraques. D'après des infos parvenues de Lyon, les dépouilles de mes compagnons ont été transférées au cimetière d'El Allia mais ce qui m'a choqué récemment, ce sont les dires d'un responsable de la mairie de Lyon, qui lui, m'a informé par devoir de mémoire, que mes compagnons sont encore enterrés à Lyon! J'ai demandé au ministère des Moudjahidine pour qu'il dépose une demande d'enquête officielle aux autorités françaises. Le combat continue. S'il s'avère que mes compagnons demeurent encore en France, ce serait un crime!» Mustapha Boudina confiera aussi, lors du débat qui a suivi la projection, être surpris par la médaille de citoyen de Lyon qu'on lui a offerte lors de sa dernière visite dans cette ville où il a vécu et lutté, ville, dit-il où jadis sur un écriteau, dans un café, on pouvait lire: «Interdit aux chiens et aux Algériens»... Juste avant cela, l'après-midi fut consacrée à quelques documentaires sur la révolution arabe. On citera un sur les anciens prisonniers libyens du temps de Kaddafi et réalisé par le célèbre cinéaste palestinien Ashraf El Macharaoui, un autre sur l'Egypte d'aujourd'hui, entre son passé culturel, historique et civilisationnel glorieux et son présent hypothétique à travers la révolution de la place El Tahrir, un film pas très fameux et un troisième enfin, mieux élaboré et sincère réalisé par le Tunisien Anis Lessouad appelé «l'opposant». Dans ce documentaire de 52 mn, il est retracé le vécu militant de Mohamed Taher Khadraoui. Un Tunisien anonyme, vivant à Casserine qui s'est engagé au sein du parti démocratique progressiste, dès 2005, à l'époque où le régime de Ben Ali battait de l'aile. Avec son départ, l'enthousiasme de Taher se décupla. Qui sera tête de liste? Les élections pour l'assemblée constituante s'approche à grands pas. Taher finit par quitter le parti, convaincu que le travail civil au sein des associations est plus utile car il peut apporter des solutions concrètes. Dans ce documentaire, nous suivons au pas cet homme au fait de ces certitudes jusqu'à l'amorce de ses doutes en les hommes politiques, ses réunions avec le parti et ses rencontres avec le peuple de sa région, ces petites gens dont il se faisait un point d'honneur à leur venir en aide, en leur envoyant des médecins et en notant leurs doléances. Un face-à-face en effet concret qui démontre si besoin est, toute la détresse des autres Tunisiens dès qu'on sort de la ville. Une population très peu ou pas du tout exposée aux médias en raison de la politique de l'ignorance et la chappe de plomb sur l'information qui caractérisa le gouvernement policier de Ben Ali. Un documentaire sur l'engagement et le sacrifice d'un homme pour son pays ou comment cultive-t-on la culture de la révolution pour assurer l'avenir de ses enfants..