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Le parcours carcéral de Mustapha Boudina
Publié dans La Nouvelle République le 21 - 10 - 2012

Le film documentaire Retour à Montluc, retraçant le parcours carcéral dans les couloirs de la mort de Mustapha Boudina, ancien condamné à mort, a été projeté pour la première fois, samedi soir, à l'espace culturel algérien de Toulouse, à l'initiative de l'association Nedjma et à la faveur de la commémoration des massacres du 17 octobre 1961 à Paris.
D'une durée de 62 mn, Retour à Montluc produit et réalisé en 2012, sur fonds propres par le journaliste Mohamed Zaoui, est construit sur une série de témoignages d'hommes politiques français, d'avocats, d'historiens et d'anciens détenus du Fort Montluc à Lyon (France), qui expriment leurs points de vue respectifs sur le système colonial de la France et le refus de celle-ci d'admettre la légitimité de la Guerre de Libération nationale. Dans ce film, Mustapha Boudina, sénateur et président de l'association nationale des anciens condamnés à mort, deux fois condamné à la peine capitale et poursuivi pour une troisième accusation durant la Guerre d'Algérie, revenant sur les traces de son passé carcéral, rapporte l'épreuve inhumaine qu'il a vécue, lui et ses compagnons de cellule et à travers un récit poignant. Il renvoie le spectateur plusieurs années en arrière pour lui raconter «la crainte permanente de cette aube fatale où le geôlier frappe à la porte» pour conduire les condamnés à la guillotine. Arpentant le couloir de la mort où il a été incarcéré et la cellule numéro 14, l'ancien condamné à mort, précise qu'entre 1956 à 1962, ils étaient quelque 2 300 détenus dans les couloirs de la mort en Algérie et en France, 217 ont été exécutés dont 208 guillotinés, le reste a été soit empoisonné ou brûlé vif. L'émotion était visible sur les traits de Mustapha Boudina, lorsqu'il évoqua, lors de la visite qu'il effectua au Fort Montluc la souffrance, les angoisses et surtout la terrible inquiétude du condamné lorsqu'il entend grincer la porte sur ses gonds et que les geôliers se ruent pour le conduire à l'échafaud. Plus de 700 nuits où il ne ferme pas un œil, paniqué par l'arrivée du lendemain qui lui réserve probablement la guillotine dans cette prison devenue depuis un musée consacré à la résistance (française) à l'occupation allemande. «C'est un musée principalement dédié à la mémoire des résistants français emprisonnés pendant la Seconde Guerre mondiale, comme Jean Moulin, et nous ?», s'est-il interrogé. «Dès l'aube, nous étions debout, derrière nos portes, à attendre l'arrivée de nos bourreaux. Quand on entendait la clé grincer, chacun d'entre nous se disait : «aujourd'hui, c'est mon tour. Ce moment crucial est resté ancré dans nos esprits», s'est-il rappelé. «Lorsqu'on ouvrait la cellule pour vous dire qu'on vous emmenait vous couper la tête, c'était une épreuve épouvantable sur le plan nerveux», dira l'ancienne avocate du collectif des avocats du FLN, Mme Nicole Rein. Les condamnés, a-t-elle dit, avaient à l'époque une sagesse, et essayaient de s'intéresser à tout ce qui pouvait les distraire un tant soit peu de l'échéance fatale qui les attendait. Ils faisaient des études, s'intéressaient à la lecture et se formaient. «Nous avions réussi en tant que collectifs d'avocats, à transformer les prisons françaises en école de formation et d'alphabétisation et cela a fait progresser énormément des militants détenus qui ne savaient ni lire le journal, ni écrire des lettres et au bout de six mois, ils ont pu écrire leur propre courrier et lire les journaux», a de son côté témoigné l'avocat Ali Haroun. Jean-Luc Einaudi a rappelé que la Fédération de France du FLN, avait lancé un appel à l'opinion publique française «pour qu'elle se mobilise pour sauver les condamnés à mort en disant que le peuple français ne pourra pas dire qu'il ne savait pas, mais malheureusement les Français n'ont pas voulu savoir». «Chaque fois qu'il a estimé que ça pouvait contribuer à calmer les milieux militaires particulièrement ceux qui se montraient de plus en plus hostiles à son évolution politique, dans le sens de la reconnaissance du droit à l'autodétermination des Algériens et le début des pourparlers franco-algériens, cette évolution suscitait des réactions dans les milieux ultras Algérie-française et à l'OAS par la suite, et pour satisfaire ces milieux, dont l'exécution des condamnés à mort était une revendication constante, depuis 1955, tombaient des têtes pour calmer ces milieux», a-t-il ajouté. «Je pense que les portraits, les noms, les circonstances et l'Histoire de ces condamnés à mort guillotinés devraient trouver une place dans ce musée qu'était alors la prison de Montluc», a estimé l'historien et chercheur, auteur de l'ouvrage Octobre 1961 : un massacre à Paris. Lors du débat qui a suivi la projection du film documentaire, le réalisateur a relevé que pendant longtemps Mustapha Boudina est resté discret sur son passé d'ancien condamné à mort et que l'opinion le connaissait plutôt comme syndicaliste. Il a également indiqué que l'idée d'un documentaire sur son parcours carcéral, lui a été inspiré lorsqu'il a appris que cet ancien condamné à mort comptait accomplir un pèlerinage à Montluc où il a été détenu jusqu'au jour où il bénéficiera d'une amnistie le 11 mai 1961. Rahmouni Madjid, membre actif de l'association Nedjma, organisatrice de cette projection-débat, a précisé que celle-ci œuvre pour la transmission de la mémoire et la diffusion de ce film documentaire, intervient précisément dans le cadre de la commémoration des massacres du 17 octobre 1961, a-t-il dit à l'APS.

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