Alger, 7 heures du matin. Très peu de citoyens sont sortis de chez eux. L'incertitude plane sur la capitale rappelant étrangement le 25 novembre 1995, date de la tenue des premières élections présidentielles pluralistes dans notre pays. Le centre de la capitale était presque vide. Plusieurs interrogations vous viennent alors à l'esprit. Les Algérois ont-ils peur ? Ont-ils l'intention de boycotter les élections ou préfèrent-ils temporiser pour voir venir les choses avant de prendre la décision de se présenter ou non aux centres de vote ? D'Alger-Centre à El-Harrach, où se situe la permanence de la candidate Louisa Hanoune, la ciculation était fluide. Quelques véhicules seulement empruntaient la route moutonnière. A El-Harrach, quartier populaire et populeux, les murs sont truffés de portraits du président candidat, affichés la veille du scrutin. Là aussi les habitants ont préféré rester chez eux. Un dispositif sécuritaire impressionnant et visible est mis en place. Le calme plat régnait en maître sur les lieux donnant un sentiment d'appréhension et laissant pressentir le spectre de 1999 lorsque seul Bouteflika était resté en compétition après le retrait, à la dernière minute, de tous ses autres adversaires. 8h30. Arrivée de la candidate à l'élection présidentielle Louisa Hanoune au siège du PT, situé à Beaulieu. Les cadres et militants du parti s'affairaient à régler les problèmes rencontrés par les représentants de la candidate dans les bureaux de vote lesquels n'arrivaient pas à récupérer les badges leur permettant d'assister au déroulement du scrutin et récupérer les PV de vote. Trois jeunes de Rouiba se sont déplacés à la permanence faute d'avoir pu récupérer ces badges. Ils criaient au scandale. Le même cas est relevé pour cette jeune fille qui ne comprend pas à qui s'adresser pour pouvoir participer au scrutin. Le téléphone n'arrêtait pas de sonner. Les représentants de Louisa Hanoune à travers le territoire national donnaient leur appréciation sur le déroulement du vote. Peu de dépassements ont été signalés. On reste aux aguets de la moindre information provenant de l'intérieur du pays. Un jeune présent sur les lieux ironisait : «Bouteflika et Hanoune au second tour». Son ami rétorquait : «Hanoune présidente». A leur âge, la conviction l'emporte sur la réalité du terrain. Mais ils restent tout de même convaincus qu'un grand pas est franchi vers l'instauration d'une véritable démocratie. 9h30. A bâtons rompus, la discussion s'articulait autour de l'avenir du pays. Un cadre du PT, pessimiste, dira : «Si ces élections sont entachées de fraude, l'Algérie plongera indéniablement dans l'inconnu.» Mokhtar, le militant de longue date, est taquiné par ses pairs mais il ne bronche pas, se contentant, d'un air ironique, de leur rendre la monnaie de leur pièce. 10h15. Les moteurs vrombissent. Le cortège prend la direction d'Alger où Louisa Hanoune doit voter. 10h36. L'école Oumouma, dans la rue Khalifa Boukhalfa, accueillait la présidente du PT. Louisa s'enfonce dans l'isoloir pour revenir mettre son bulletin dans l'urne. Dans ses déclarations à la presse, Hanoune, très modérée dans ses propos, éludera avec adresse de s'embarquer dans la même direction que Sadi, Djaballah et Benflis. Elle se contentera de lancer un appel au peuple algérien qu'elle exhortera à faire preuve de sagesse et de solidarité, comme il l'a fait lors du séisme de Boumerdès, afin d'éviter au pays un autre scénario pouvant l'entraîner dans l'incertitude. Retour à la permanence où le même climat régnait. Le téléphone n'arrêtait pas de sonner. Aucun incident majeur n'est signalé à travers le pays. Seuls quelques dépassements mineurs sont rapportés par les représentants de Hanoune dans différentes wilayas. La nuit commençait à tomber et les présents quittaient les lieux, non sans commenter le début du dépouillement où le nom de Bouteflika revenait souvent, laissant entrevoir l'issue du scrutin. Mais tout le monde s'accordait à dire qu'à travers Louisa Hanoune, le PT a gagné du terrain et pourrait surprendre à moyen terme.