Administrations, entreprises et régions entières enchaînent depuis la fin de l'été les débrayages, réclamant des hausses des salaires, des embauches, des travaux publics ou encore des centres hospitaliers. L'économie anémique de la Tunisie a relancé la grogne sociale dans le pays où grèves et protestations se multiplient allant jusqu'à diviser le parti islamiste au pouvoir Ennahda tandis que le gouvernement n'a guère plus de marges de manoeuvres. Administrations, entreprises et régions entières enchaînent depuis la fin de l'été les débrayages, réclamant des hausses des salaires, des embauches, des travaux publics ou encore des centres hospitaliers. En novembre, la situation semble se tendre encore. Pour la seule journée d'aujourd'hui des organisations syndicales et de la société civile prévoient trois grèves générales dans les régions de Siliana (nord), Gabès (est) et Gafsa (centre). «Il est évident que la situation économique est aujourd'hui très difficile et ne peut pas supporter ce niveau de grèves», relève l'économiste indépendant Ezzedine Saïdane, pointant comme cause principale la crise politique qui perdure depuis des mois faute de consensus entre islamistes et opposants sur la composition d'un gouvernement d'indépendants. La croissance de 3% est insuffisante pour réduire réellement le nombre de sans-emplois ou lancer de grands projets de développements, alors même que le chômage et les disparités régionales étaient des facteurs essentiels de la révolution ayant chassé Zine El Abidine Ben Ali du pouvoir en janvier 2011. Par ailleurs, la frilosité des investisseurs ne cesse de s'aggraver en l'absence d'institutions pérennes et face à la montée des violences attribuées à la mouvance salafiste. Et deux ans durant, les islamistes d'Ennahda ont multiplié les promesses sociales et les embauches publiques pour répondre aux revendications sociales, recourant sans cesse à la dette pour tenter de tenir leurs engagements. «Le résultat est que le gouvernement s'est privé de toute marge de manoeuvre pour 2014. Quand on regarde le projet de budget, on voit qu'il y a 40% pour les salaires, 40% pour la dette et les subventions (sur les produits de première nécessité) et seulement 20% pour le développement économique et social», note M.Saïdane. Pour le puissant syndicat UGTT, déterminant dans l'organisation des grèves, les autorités, qui appellent depuis des mois à «une trêve sociale», sont les seules responsables de cette situation. Dans un communiqué sur sa page Facebook, il dénonce «la nonchalance du gouvernement dans la mise en oeuvre de certains accords conclus et signés mais non encore appliqués depuis près d'un an et demi, d'où les mouvements sociaux enregistrés». Sur le terrain, cet argument est cependant rejeté par certains, comme Nejib Mrabet, le PDG de la Compagnie de phosphate de Gafsa (CPG), principal employeur régional et producteur de cette ressource minière stratégique qui représentait en 2010 10% du budget de l'Etat. Ce dernier souligne ainsi que malgré 2.600 embauches, l'entreprise reste paralysée par les mouvements sociaux et ne tourne qu'à 30% de ses capacités. «La compagnie ne peut pas se permettre une année supplémentaire d'incertitude et de déficit», relève le patron de la société d'Etat, cité par l'agence TAP, n'excluant pas qu'en 2014 «les cadres et employés puissent être mis en congés forcés». L'atmosphère de défiance a désormais aussi contaminé Ennahda, dont certains membres critiquent les choix réalisés par le gouvernement, comme celui de la localisation de cinq nouveaux CHU. La colère à Gafsa et Gabès a justement été relancée par cette décision.