Les événements du 11 septembre 2001 sont encore perçus comme un échec cinglant des services de renseignement américains. «Nous avons fait des erreurs.» Clair, net et sans mots creux. L'aveu vient de la bouche même du directeur de l'Agence du renseignement américain CIA, George Tenet. Celui-ci témoignait en public et sous serment devant la commission d'enquête indépendante chargée de faire la lumière sur les attentats du 11 septembre 2001. Bien que la CIA «ait eu la bonne stratégie», et «fait les bons investissements», elle n'a «jamais pénétré les complots» du 11 septembre, précise Tenet. En fait, plus qu'un constat d'échec de la CIA, c'est un aveu de culpabilité, mais qui devait être formulé par le président des Etats-Unis lui-même. Le 10 avril dernier, la Maison-Blanche a rendu publique une note de la CIA, présentée le 6 août 2001, soit plus d'un mois avant les attentats, au président George W.Bush et intitulée «Ben Laden déterminé à frapper aux Etats-Unis». Ce document, resté secret, donnait aux autorités américaines des informations importantes, mais qui n'ont pas été prises avec rigueur et sérieux, ni exploitées comme il se devait. Les événements du 11 septembre sont à ce jour perçus comme un échec des services de renseignements américains, et le débat sur les failles dans l'exploitation des renseignements qui auraient pu alerter Washington sur ce que leur préparait la direction d'Al Qaîda sur le sol américain plus que jamais bat son plein. D'autant plus que ce débat (ce déballage, en réalité) se couple à celui, plus inquiétant encore, de la manière la moins coûteuse de se retirer de l'Irak «sans en avoir l'air». Le Monde du 13 avril rapporte que devant la commission d'enquête, le 8 avril dernier, Condoleezza Rice, conseillère du président pour la sécurité nationale, a déclaré que la note en question était en fait «une mise en perspective historique fondée sur des données anciennes». Le document publié par la Maison-Blanche ne justifie qu'en partie ce commentaire. Interrogé sur la question, Bush a déclaré que l'exposé du 6 août «n'indiquait pas une menace terroriste», et ne contenait ni «le moment ni le lieu d'un attentat». Le rapport en question fournit pourtant des indications sur des menaces plus ou moins précises. Lisez ce paragraphe : «Les renseignements du FBI, depuis lors, traduisent des types d'activités suspectes dans notre pays, qui vont dans le sens de préparatifs pour des détournements d'avions ou d'autres genres d'attaques, dont la surveillance récente de bâtiments fédéraux à New York. Le FBI conduit approximativement 70 enquêtes sur le terrain à travers les Etats-Unis, qui ont trait à Ben Laden. La CIA et le FBI enquêtent sur un appel reçu par notre ambassade aux Emirats arabes unis, en mai (mai 2001, Ndlr), disant qu'un groupe de partisans de Ben Laden se trouve aux Etats-Unis où il prépare des attentats à l'explosif.» Ce rapport accable en réalité et le président et les services de renseignement. Une caricature de Serguei résume ce patchwork militaro-politique : alors qu'un chef du FBI s'efforce d'attirer l'attention de Bush sur le danger Ben Laden, le président lui fait signe de la main d'arrêter de l'assommer avec la menace terroriste, tout occupé qu'il est à observer dans une boule de cristal la fin de Saddam et les puits de pétrole. Un dernier détail : un gros cigare sort de la «bouche de cristal». Un cigare fait de dollars et qui rappelle celui, lascif et concupiscent, de Bill Clinton. «This is the americain way of life».