On ne comprendrait rien à cette terrible crise qui embrase la Kabylie, encore moins à son devenir, si on ne situait pas aussi bien la responsabilité du pouvoir que celle des ârchs quant à l'impasse qui prévaut dans la région. Il est communément établi qu'on sait toujours comment on commence une guerre, mais on ne sait jamais comment la terminer. En Kabylie même, s'il ne s'agit point d'une guerre, la situation est tellement complexe qu'il est difficile d'en voir l'issue. Les observateurs qui suivent l'évolution de la crise depuis six mois parlent déjà d'un bourbier kabyle. Mais pourquoi nous sommes-nous trouvés devant une telle situation? Il est vrai que le «cheveu de mouâouya» n'a pas été encore rompu entre les autorités à charge du dossier et la coordination interwilayas des ârchs, mais la communication entre ces deux partis, comme moyen de solution à la crise, n'a jamais été une ligne de conduite. Ainsi, l'impasse a constitué le premier fruit d'un conflit qui n'a pas été discuté..., le pourrissement en est un autre. D'abord, le pouvoir n'a pas su (ou pu), dès le début, gérer la crise qui a commencé un certain 19 avril, pour la tuer dans l'oeuf. Les autorités locale et nationale avaient normalement toutes les aptitudes pour sanctionner à temps les responsables des dépassements. Cependant, quand on a atteint un niveau où des citoyens algériens se font tuer la nécessité de sanctionner les auteurs s'impose plus que jamais. En vain, la machine de l'irréparable est libre de ses mouvements et le pouvoir avait déjà commis beaucoup d'erreurs. Mais il était toujours possible de rectifier le tir avec un plan de prise en charge au profit d'une Kabylie qui vit une crise socioéconomique très difficile. Le geste aurait été salutaire a fortiori quand on sait que presque la quasi-totalité des rentes de cette région provient des salaires et/ou retraites des immigrés. Ensuite le bras de fer engagé entre le pouvoir et les ârchs n'était pas pour apaiser les esprits. Les multiples face-à-face que se sont livrés ces deux parties ont participé à envenimer une situation déjà critique. Alors émergent les irréductibles et autres jusqu'au-boutistes au sein des ârchs. L'option radicale, qui ne voulait pas entendre parler du dialogue avec les autorités, a engagé une aventureuse marche vers l'inconnu. C'est l'impasse. Résultat: la Kabylie s'est trouvée, en peu de temps, prisonnière d'un dangereux jeu dont les contours et motivations demeurent cachés. Livrée à elle-même, la région commence à faire ses premiers pas dans l'insécurité, les agressions quotidiennes, le laisser-aller et la totale débandade. L'Etat est bel et bien absent de la Kabylie où les maximalistes des ârchs dressent la menace de rallumer les manifestations, l'émeute et la casse. Depuis deux semaines, des citoyens venus des villages et contrées de cette région meurtrie se sont élevés contre ce qu'ils ont baptisé «Le suicide de la Kabylie». Ils sont mieux placés que quiconque pour brosser le tableau noir de la situation que vivent les Kabyles. Ces citoyens, qui n'appartiennent ni au pouvoir ni aux ârchs, ont clamé haut et fort «Basta». Une troisième voie est née. Le message qu'ont délivré les sages - les vrais - est simple comme les grandes idées. Pour eux, un texte est de facto négociable... ; la plate-forme d'El-Kseur n'est ni le Coran ni la Bible. S'agissant du pouvoir qui a du mal à gérer la crise, ils estiment que la dernière offre est une manière polie de reconnaître l'erreur... Ce qui est important pour le moment, c'est de faire de l'impasse une issue. D'autant qu'il n'est pas encore trop tard. La majorité silencieuse en Kabylie, qui veut retrouver la sérénité, ne peut garder sa patience indéfiniment. Les ârchs sont apparemment coupés de leur base et ils sont en train d'engager le mouvement citoyen dans des directions qui ne sont pas au goût de la population de Kabylie. Une population qui s'est soulevée contre la hogra et pour la satisfaction de ses revendications identitaires. La tentative de M.Benflis, Chef du gouvernement, de nouer le dialogue avec les ârchs en vue de trouver les solutions qu'il faut pour le bien de la Kabylie et du pays tout entier, n'a pas été suivie d'effet, à cause du jusqu'au-boutisme de quelques-uns.