Zahia vit avec Fatima-Zohra, sa femme de ménage. Des bijoux disparaissent. La femme de ménage est... Maître Mohammed Djediat était arrivé très tôt dans la salle d'audience où la deuxième chambre correctionnelle avait un rôle respectable. Brahim Kerrabi, le président vaillamment secondé par la vigilante Amina et Nadia Amirouche avait recouru à l'exclusion des pertes de temps. Il a abordé le rôle sereinement comme s'il venait d'entrer dans la magistrature. Et ce jour ensoleillé de décembre 2013, il y avait un peu de temps à consacrer à un peu de tout, côté inculpations. Nasseredine Rebaï est toujours motivé durant les débats et joue royalement son rôle de champion de l'opportunité des poursuites. Maître Djediat n'était pas en colère, serein mais légèrement agacé du seul fait que sa vieille cliente, Zahia Hamadache, qui entre dans sa 84e année fut déboutée le 4 août 2013 par la remplaçante de Inès Kouhil en congé annuel pour le délit de vol commis par Fatima-Zohra Negazi, une femme de ménage de 37 ans inculpée de vol de bijoux savamment cachés par la vieille dame qui est ni handicapée, ni lasse sous le poids des ans. «Et le vol, dira l'avocat de Patrice Lumumba, a été commis ́ ́scientifiquement ́ ́ car il n'y avait ni empreintes digitales ni traces de fractures, ni d'effraction de serrure et de cadenas.» L'inculpée Negazi n'a fait que louer Allah jurer par Allah, invoquer Allah, refusant de répondre par des phrases explicatives et nettes. Fidèle à la tradition, Brahim Kherrabi, le président de chambre a su poser les bonnes questions sans jouer au poseur de pièges et autres virages menant aux contradictions dans les réponses. Bien affalé sur sa chaise du ministère public, Nasseredine Rebaï a bien tenté un ou deux coups de bluff juste de quoi aider à la recherche de la vérité, rien n'y fit. Pourtant, Maître Djediat a bien «pompé» dans les attendus de Gherbi de Bir Mourad Raïs, là aussi ce sera vain. La «voleuse» présumée et relaxée en première instance, avait beaucoup plus peur de Maître Djediat, l'avocat de son adversaire du jour, que des trois juges. En effet, le défenseur d'Alger avait précisé que l'inculpée logeait dans une chambre de l'appartement qu'elle pouvait très bien fouiller au moment où la vieille Zahia ronflait durant la sieste ou même durant les journées lorsque l'insomnie s'en allait momentanément pour laisser place au repos bienfaiteur. «Il n'y avait pas de troisième personne sur qui les soupçons pouvaient peser. Elle a pris soin de s'emparer du lot de bijoux soigneusement cachés puis emmenés hors du domicile. Il y avait dans ce lot quinze pièces de louis d'or, deux bracelets une paire de boucles d'oreilles, soit un préjudice de près de 45 millions de centimes», a sifflé le conseil brun qui savait que le verdict, c'est... Le procureur général avait demandé un an d'emprisonnement ferme pour vol, fait prévu et puni par l'article 350 du Code pénal. Entre-temps, la face figée, l'inculpée restait de marbre, le verdict de Bir Mourad Raïs l'ayant définitivement rassurée alors que la vieille victime, elle, ne tenait qu'à l'avant-bras de son avocat plutôt optimiste car il sait que les trois magistrats de la deuxième chambre correctionnelle ne sont pas nés de la dernière pluie du début d'automne 2013. «Regardez la tête de Tata Zahia, a conclu Maître Djediat. Elle est venue demander justice et réparation. Elle vous a dit aussi et surtout qu'elle ne pouvait pas se voler et plaquer le délit à sa jeune femme de ménage. Elle ne reçoit jamais d'autres visiteurs. Elle attend une bonne décision en vue de récupérer son bien et à défaut, la préservation de ses droits protégés par la loi.» Et le défenseur de retourner les talons en direction d'Alger via le métro au terminus pour rejoindre le cabinet à pied, un cabinet situé à douze minutes de marche. Zahia Hamadache, elle, s'en était allée vers le Ravin de la Femme sauvage attendre le bus de Bir Mourad Raïs où elle rentrera vers le crépuscule et l'appel à la prière...