Un regard averti sur la société Saisissant l'opportunité de la présentation de son dernier livre «Aux Portes de l'avenir, 20 siècles de Résistance, 50 ans d'Indépendance», on a interrogé l'auteur Karim Younès et questionné l'homme politique sur la situation du pays et la crise du FLN, le parti dont il est issu. L'ancien président de l'APN n'est pas un aigri. Serein et en politique averti et responsable, il refuse les carcans organiques, déchire la camisole idéologique pour nous rappeler que l'Algérie n'est pas une île isolée coupée du reste du monde. Bien plus, il l'inscrit au coeur d'une géopolitique mondialisée. Il avertit que nous ne sommes pas prémunis contre des fluctuations qui agitent le monde. «Nous ne sommes pas à l'abri de violentes tempêtes à la fois géopolitique et géoéconomique qui «touchent» les pays vulnérables et de m'interroger sur la place de notre pays qui risque de faire les frais des offensives impitoyables», dit-il... L'Expression: Vous allez reprendre les dédicaces de votre dernier livre, au début de janvier prochain, à Alger et Béjaïa. Avez-vous programmé un périple ou c'est juste des wilayas ciblées? J'ai clos une première tournée à travers certaines grandes villes du pays, à Annaba le 30 novembre. Seulement voilà, d'autres demandes soutenues d'organisation de séances de dédicaces sont venues s'ajouter. J'ai inclus pour le moment une deuxième à Alger, plus exactement à la Librairie du tiers-monde le 4 janvier 2014 à 14 h et celle émanant de la balade littéraire de Béjaïa le 11 janvier au théâtre régional, toujours à la même heure. D'autres sollicitations sont en attente d'être satisfaites, je pense notamment à celles de Médéa. «De la Numidie à l'Algérie, grandeurs et ruptures», puis, «Aux Portes de l'avenir, 20 siècles de Résistance, 50 ans d'Indépendance», deux livres, et un même thème: une rétrospective sur l'histoire millénaire de l'Algérie. À quoi est dû ce choix littéraire? Il ne s'agit pas seulement de rétrospective sur l'histoire plusieurs fois millénaire de notre pays,mais aussi d'une réflexion sur son destin et son futur en puisant des leçons dans son histoire tumultueuse. Ces deux ouvrages proposent de faire une lecture-bilan de 50 ans d'indépendance pour analyser les diverses péripéties et les inaccomplissements de l'histoire algérienne, faite de grandeur, et de ruptures. Nous devons interroger notre antériorité et analyser les actions couronnées de succès comme celles entachées d'échec. En un mot porter un regard tout à la fois rétrospectif et introspectif sur l'histoire de notre pays. Avez-vous d'autres livres en chantier? Des écrits par exemple sur le système politique algérien, disséqué, décortiqué... vu de l'intérieur? Je pense surtout m'investir dans l'examen des changements de position sur le grand échiquier qu'est devenu l'espace géopolitique mondialisé. Ces changements balaient les lignes de forces traditionnelles qui travaillent le monde et ne laissent guère à l'abri de violentes tempêtes à la fois géopolitique et géoéconomique les pays vulnérables et de m'interroger sur la place de notre pays qui risque de faire les frais des offensives impitoyables, menées par les pays les plus puissants. Comprenez qu'en votre qualité d'ancien président de l'APN et de militant dirigeant au sein du FLN, on ne peut s'empêcher de vous interroger sur la situation politique du pays. Que vous inspire la situation actuelle de votre parti? De mon parti? De mon parti dites-vous?Je cultive un esprit libre, libéré des carcans organiques. Je pense plutôt aux enjeux et défis du siècle pour appréhender les risques encourus par une déflagration généralisée qui redessinerait la carte du monde au détriment des vaincus, des peuples d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, qui englobent l'Algérie, notre pays. Il y va de la stratégie de survie. La dislocation de l'ancien monde pensé au lendemain de la défaite napoléonienne au Congrès de Berlin en 1815, poursuivie à la suite de la Première Guerre mondiale et de la Seconde a consacré une carte géopolitique et une mainmise sur toutes les richesses du sol, du sous-sol et des ressources humaines dans cette partie du monde... La menace rôde toujours autour de nos têtes... La paix sociale est volatile. L'achat des consciences n'est pas la solution. Il faut rapidement penser les meilleures formules pour changer l'état de décrépitude latent, en impulsant un cadre d'organisation de toutes les bonnes volontés dont l'objectif commun serait de tracer les contours d'une Algérie plus apaisée, en conformité avec les espérances d'un pays en orbite sur le millénaire en cours. De nombreux observateurs font le parallèle avec la situation politique qui a précédé l'élection présidentielle de 2004 alors que vous étiez encore aux affaires. Êtes-vous de cet avis? La politique consiste à prendre position, à prendre parti pour ce que l'on a considéré comme une raison démocratique. Chacun de nous apportera sa part, celle qu'autorise sa conscience. On peut certes s'autoriser quelques interrogations sur l'implication de la classe politique, mais a-t-elle été associée aux grandes questions de l'heure? Au destin du pays? Ne l'a-t-on pas trop souvent minorée? Il est vain de penser, au siècle des innovations, que la solution viendrait d'un multipartisme débridé, ou encore d'un multipartisme administré. Il est vain de prétendre ordonner la République sans assainir au préalable son organisation politique. La conscience nationale, plus en avance que ceux qui veulent la brider, aspire à trouver les solutions politiques qui garantiront des modèles de développement plus justes, plus équilibrés et plus équitables pour faire face aux nations qui aspirent à devenir des puissances planétaires sur le plan économique et militaire. Car voilà bien le défi et les deux ouvrages l'évoquent: il s'agit de savoir comment promouvoir l'insertion de l'Algérie dans la géopolitique émergente du XXIe siècle. Dans ce contexte, il s'agira d'abord de bannir les discours politiques partisans éculés, qui chloroforment plus qu'ils n'éveillent, les combats de coqs d'arrière-garde qui n'intéressent que leurs auteurs. Et qu'avez-vous à dire sur la prochaine présidentielle. Comment l'entrevoyez-vous? L'élection présidentielle est soumise à un calendrier précis fixé par la Constitution. Ce calendrier doit plutôt favoriser la mobilisation autour d'une gouvernance plus juste, plus attractive car émanation d'institutions crédibles, légitimée par le choix libre et réellement démocratique de la nation.