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«L'écriture est un autre espace de militantisme»
Karim Younès. Ancien président de l'APN à El Watan
Publié dans El Watan le 20 - 10 - 2013

-Un deuxième livre sur l'histoire, une rétrospective sur deux mille ans de résistances et cinquante ans d'indépendance, Karim Younès, ancien président de l'Assemblée Populaire Nationale (APN) est un passionné d'histoire. En fait, pourquoi ce deuxième livre ?
C'est une contribution que je dédie au cinquantième anniversaire de notre indépendance.
-Pourquoi donner tant d'importance à l'Histoire ?
Dans le fond, l'Histoire de l'Algérie en est réduite à l'histoire officielle tronquée d'une grande partie de sa véritable identité. Un premier ouvrage, De la Numidie à l'Algérie - Grandeurs et Ruptures, a contribué, même modestement, à l'exhumation d'une bonne partie de notre histoire et remué les cendres du passé. Quant à ce second ouvrage, Aux Portes de l'avenir - Vingt siècles de résistances, cinquante ans d'indépendance, son intérêt prolonge la réflexion sur le destin et le futur de notre pays, l'Algérie, en puisant des leçons dans son Histoire tumultueuse. Dans ce nouvel ouvrage, j'aborde les constituants de l'identité nationale et les phases de construction de l'Etat-nation algérien. La connaissance de notre passé lointain ou récent du point de vue politique et moral est fondamentale.
-En lisant votre livre, on remarque que le fil conducteur est la dichotomie entre ces moments marquants de l'histoire de l'Afrique du Nord, des moments de gloire avec la construction de l'Etat-nation, la Numidie de Massinissa et de son continuateur Jugurtha, et des moments douloureux faits de décadence, qui ont conduit à la destruction de tout ce qui a été fait. Des situations qui ont souvent ouvert les portes grandes aux colonisateurs. Pensez-vous que l'Algérie d'aujourd'hui n'a pas su tirer les enseignements de son
histoire ?
Vous savez, on ne bâtit pas une vision politique sans l'inscrire dans l'histoire. Nous ne pouvons pas imaginer notre avenir sans avoir fait le point sur hier et aujourd'hui. C'est de l'histoire que nous tirons des exemples, des faits, des échecs, des réussites permettant de prendre conscience en vue de corriger les erreurs à ne plus commettre comme dans le passé.
-Au quatrième chapitre, vous faites aussi le bilan de cinquante ans de l'indépendance de l'Algérie, un bilan sans complaisance dans lequel vous parlez d'un système qui a conduit à la prédation et la crise profonde que le pays traverse. Vous dénoncez l'attentisme et le silence des élites ! Est-ce là une invitation pour une mobilisation de ces dernières pour un projet politique qui remettrait l'Algérie sur la bonne voie ?
La politique n'est pas un jeu, c'est un monde impitoyable. Il faut éviter d'argumenter uniquement à charge et mettre tout le monde dans une même chéchia. Tout bilan comporte un passif et un actif. Malheureusement, et il n'est pas exagéré de le penser, nos martyrs et ceux qui ont voué leur vie pour l'Algérie doivent être perturbés dans leur repos éternel devant le spectacle navrant des offenses au passé, des errements au présent, qui hypothèquent de manière de plus en plus irrémédiable l'ouverture vers des horizons plus sereins. Quels efforts avons-nous déployé pour éviter la fuite à rythmes continus de notre élite, la sève de notre intelligence nationale, contrainte à l'exode depuis des lustres faute de pouvoir s'épanouir dans son pays ?
-Quel est le rôle géopolitique de notre pays aujourd'hui quand on sait que les initiatives internationales prises dans les pays qui comptent le sont au nom de la crédibilité acquise de leurs institutions respectives auprès de leurs peuples ?Peut-on penser qu'avec la publication de votre livre, l'ancien président de l'APN qui fait aussi des propositions de sortie de crise, signe son retour à la politique ?
J'ai milité de longues années dans une formation politique, le moment de l'écriture est venu tant j'ai ressenti le besoin de m'exprimer sur certains sujets liés aux problématiques développées qui me tiennent à cœur et par devoir pour ceux qui s'intéressent à mon propos.
Signer quel retour en politique ? La compétition électorale, ou intra partisane pour des postes de responsabilité ? Faire dans l'agitation, la gesticulation flairant le sens du vent ? Cela n'est pas mon profil d'homme. Il y a d'autres urgences que la course aux postes de direction. Vous savez, je vis pleinement l'actualité de mon pays.
Je rencontre et débats régulièrement avec des Algériens des solutions qui pourraient améliorer la situation de notre pays. Je suis de près presque toutes les manifestations culturelles. Faire de la politique, c'est aussi contribuer, à tout le moins, à participer aux débats citoyens sur les problèmes de la cité, c'est s'ouvrir une fenêtre sur la société pour examiner les problèmes dont elle souffre, c'est de proposer des solutions pour améliorer son fonctionnement. Et l'écriture est un cadre stratégique d'expression qui s'offre à moi. C'est surtout cela le sens à donner à la politique, à mon sens. Et ce n'est pas parce que les médias lourds, officiels ou pas, sont avares de mes images et de mes activités citoyennes qu'on en conclut que je me suis retiré de la politique. Et, de ce point de vue-là, je ne me suis jamais retiré de la politique pour que l'on parle de «retour».
-Vous sentez-vous libre penseur en vous détachant des structures partisanes ?
Oui, je cultive un esprit libre, libéré des carcans organiques et mon seul souci est le devenir de notre pays. Vous savez, dans toute trajectoire politique il y a une logique des événements. Il suffit simplement de faire la lecture adéquate et en tirer les enseignements. Je garde en permanence intacte l'envie de me battre pour les idées auxquelles je crois, de participer à la réalisation du projet d'une Algérie plus juste, plus équitable, plus équilibrée. Je ne renonce pas, lorsque sont en jeu les valeurs et les principes au nom desquels beaucoup de nos aînés ont sacrifié leur vie et inscrit leur nom au panthéon de la gloire humaine. Ce n'est tout de même pas un simple engagement ! J'aime bien écouter et entendre d'autres voix d'acteurs, notamment celles de la génération qui fait suite à la mienne. Ceci ne m'empêche pas d'exprimer des points de vue, des analyses sur les résultats obtenus des politiques prônées ou, comme c'est le cas actuellement, des démarches politiques suggérées…
Vous savez, l'action militante a évolué dans le fond comme dans la forme. Elle s'éloigne des appartenances organiques strictement partisanes. Il y a d'autres espaces de militantisme et d'engagement… l'écriture est l'un de ces espaces. Je suis dans ce nouvel état d'esprit, définitivement.


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