Bien plus que le discours de Bouteflika, c'est la composition du nouveau gouvernement qui occupait et inquiétait tout le monde. La coupole du Palais des nations qui, certes, en a vu d'autres, n'a jamais vécu un climat aussi tendu, oscillant allègrement entre l'euphorie béate pour les uns et le désespoir le plus noir pour les autres. Le Tout-Alger, ministres, députés, sénateurs, généraux, leaders politiques et responsables d'associations étaient présents, hier, à la cérémonie de prestation de serment de Bouteflika. Même les députés du FLN, réputés hostiles à l'ex-président-candidat, allant jusqu'à contester les résultats de ce scrutin, se sont présentés en rangs serrés, histoire de sauver et leurs postes, et le devenir du FLN, gravement menacés depuis que la rumeur s'est confirmée à propos de «l'abdication» de leur poulain, Ali Benflis. Louisa Hanoune et Abdallah Djaballah sont les seuls candidats qui ont daigné honorer de leur présence ce cérémonial, dans le souci clairement affiché de respecter la souveraineté populaire, qui donne le pouvoir à la majorité, dans le strict respect de la minorité. Les spéculations allaient bon train sur ce que pourrait bien dire le président, mais aussi sur la composition du futur gouvernement. L'entrée de Guidoum, un revenant qui avait su révolutionner le secteur de la santé, a fait dire à beaucoup qu'Ouyahia, qui sera reconduit à son poste, a bien pu convaincre le président de le laisser s'entourer de certains de ses anciens ministres, qui lui avaient permis de mener de «main de maître» son gouvernement au milieu des années 90. Abdelkader Hadjar, assis en bonne place, aux premiers rangs, non loin du cercle ministériel, saluait les uns et les autres avec de larges sourires, avec la ferme conviction que le plus gros a été fait et que le temps des récompenses pouvait avoir sonné. Belkhadem, en sa qualité de ministre d'Etat, bien encadré, répondait aux questions des journalistes venus nombreux s'enquérir de l'avenir du FLN, avec des sourires diplomatiques sans pareils et une assurance jamais égalée depuis la naissance, dans la douleur, du fameux mouvement de redressement du FLN. L'entrée de Bouteflika, saluée par de vives acclamations, et même des youyous, a été pour tous, le signe que la hache de guerre était enterrée. Du moins pour les présents. Le discours, qualifié de «grand» et de «rassembleur» par les membres de l'alliance présidentielle, a été régulièrement ponctué par des applaudissements, notamment lors de certains passages forts, tels ceux relatifs à la femme, à la jeunesse, à la Kabylie, à la Palestine et à l'Irak. Bouteflika, dans son discours, a ainsi mis en avant le caractère démocratique du scrutin, de l'avis d'observateurs impartiaux, ainsi que la maturité du peuple algérien. Il a continué pour dire que si la priorité en 1999 était la restauration de la paix civile, le retour de la sécurité a poussé les électeurs à afficher clairement leurs nouvelles préférences. C'est pourquoi la priorité de ce second mandat sera accordée, outre la réconciliation nationale dont les grandes lignes commencent à se profiler, à la relance économique, sous couvert de réformes fiscales, financières et bureaucratiques, ainsi que la révision du code de la famille et le règlement définitif de la crise de Kabylie. Lors de la collation offerte à la fin de cette cérémonie qui a vu l'intronisation officielle de Bouteflika au poste de président de la République par le président de la Cour suprême, les présents se sont bousculés pour congratuler l'heureux élu. Celui-ci, conscient de la fantastique responsabilité pesant sur ses épaules, a gardé le sourire, et joint l'acte à la parole, dans sa volonté d'être le président de tous les Algériens, qui a besoin de la volonté et du travail de chacun, pour mener à bien son programme quinquennal.