La région a été confinée dans un état d'imbroglio général dont l'issue est toujours incertaine. L'appel à la grève, commémorant le 24e anniversaire du Printemps berbère et le 3e anniversaire de la mort du jeune Massinissa Guermah, auquel a appelé le mouvement des archs, n'a pas eu l'écho escompté dans toute la Kabylie. Aussi bien à Tizi Ouzou qu'à Bejaia ou à Boumerdès et Bouira la population n'a pas suivi le mot d'ordre, restant même dans la majorité des localités indifférente à cet appel. D'ailleurs, les quelques marches improvisées n'ont pas drainé beaucoup de monde. A la lumière de ce premier constat d'échec, il ne faut pas avoir peur des mots, on est en droit de nous poser non pas une mais une série de questions. En effet, jadis mobilisatrice, cette date qui demeure plus que symbolique dans l'Histoire nationale en général et de celle de la région en particulier, ne suscite plus un intérêt à la mesure de l'événement de la part de la population qui a toujours vécu dans un refus constant de soumission et de méfiance à l'égard des partis y compris ceux enracinés dans la région. L'aspiration à une plus grande reconnaissance des particularités culturelles locales demeure une constante, certes, des revendications du mouvement citoyen. Si elle a pu servir de détonateur local, cette revendication identitaire n'est nullement l'objectif principal recherché par les animateurs de la protesta. Ceux qui les ont accusés de vouloir «la partition d'Algérie» ou de «poursuivre des buts à caractère ethnique» ont tout simplement voulu manipuler l'opinion. D'ailleurs, les mobilisations massives dont la gigantesque manifestation d'Alger du 14 juin 2002, ont été conduites autour des mots d'ordre nationaux. Néanmoins, depuis cette fameuse marche le mouvement citoyen n'a cessé de subir de nets reculs sur le plan de la mobilisation. En effet, il faut bien reconnaître que le mouvement citoyen ainsi que les partis politiques implantés dans la région ne suscitent plus l'enthousiasme des foules, même si l'animosité de la population reste vive à l'égard du pouvoir, en dépit de la satisfaction de certains points de la plate-forme d'El-Kseur. Cette situation qui n'est ni de guerre ni de paix est due au fait que les animateurs n'arrivent pas à accorder leurs violons. Un état de fait qui préoccupe en premier lieu la population qui ne sait plus à quelle partie se vouer tant son quotidien est plein de marasme et son devenir socio-économique incertain parce que ni le pouvoir, ni les partis politiques ni les délégués qui ont pris la tête du mouvement de contestation dans la région, n'ont jamais proposé une solution concrète pour sortir la région de l'impasse et par ricochet donner une nouvelle impulsion à son développement. Ces trois acteurs se sont toujours cantonnés dans leur logique respective. En effet le pouvoir qui n'avait pas daigné répondre aux revendications populaires a toujours usé de la politique de l'usure tandis que les partis politiques n'ont jamais su exporter la contestation populaire en dehors de son cadre initial alors que les coordinations se sont confinées dans le caractère scellé et non-négociable de la plate-forme d'El-Kseur. Cet état de fait, les observateurs l'attribuent beaucoup plus aux guerres intestines qui rongent le mouvement que certaines formations politiques tentent de gangrener de l'intérieur. Dans ce contexte, certains courants politiques n'hésitent pas à utiliser la revendication identitaire pour régler leurs comptes. En effet, et loin de nous l'idée de défendre le président du RCD dont le parti a une certaine responsabilité dans ce chaos, certains manifestants s'en sont pris, hier, à Tizi Ouzou à Sadi et au RCD, alors que le MAK a été carrément sommé de retirer sa banderole et de ranger ses slogans. Tandis qu'à Béjaïa il ressortait des interventions exprimées par la population un ras-le-bol, quant à la tournure prise par les événements et l'exploitation faite à la plate-forme d'El-Kseur. Cela laisse croire que les acteurs actuels ont perdu de leur crédibilité du fait que leur discours ne convainque plus. En outre, même si c'est prématuré, c'est la fin de mission du mouvement des archs qui pointe à l'horizon d'autant que le président de la République a réaffirmé sa volonté de poursuivre le dialogue entamé sur la base de la plate-forme de'El-Kseur. De ce fait, il est temps de dépassionner la question identitaire pour se consacrer à l'amélioration de la situation socio-économique de la région qui ne cesse d'enregistrer une régression continue.