La confrontation meurtrière entre les autorités irakiennes et les hommes armés se poursuivait hier aux portes de Baghdad, une semaine après que des combattants d'Al Qaîda aient pris le contrôle de Fallouja. Des combattants de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL, lié à Al Qaîda) ont pris le contrôle la semaine dernière de Fallouja et de quartiers de Ramadi, dans la province d'Al Anbar à 60 et 100 km à l'ouest de la capitale, et selon un haut responsable américain, la crise pourrait durer des semaines. C'est la première fois que des hommes armés prennent aussi ouvertement le contrôle de zones urbaines depuis l'insurrection qui a suivi l'invasion américaine de 2003. Ces derniers jours, l'ONU et plusieurs ONG ont prévenu que le blocus imposé par les autorités aux zones concernées privait les civils d'approvisionnement en eau, en nourriture et en carburant, essentiel pour faire fonctionner les générateurs d'électricité. Et Washington a accentué ses pressions pour pousser le gouvernement irakien à chercher une réconciliation politique avec la minorité sunnite tout en combattant militairement les extrémistes. Jeudi, d'intenses combats ont opposé les forces de sécurité à des insurgés, essentiellement à Al-Boulali, entre Fallouja et Ramadi, tandis qu'un attentat suicide visant un centre de recrutement de l'armée a fait 23 morts à Baghdad. La crise à Al-Anbar et la persistance d'un niveau élevé de violences dans le reste du pays constituent l'une des menaces les plus importantes pour le Premier ministre chiite Nouri al-Maliki, au pouvoir depuis huit ans, à quelques mois des élections législatives prévues en avril. Selon le Croissant Rouge irakien, les combats à Fallouja ont poussé à l'exode plus de 13 000 familles qui se sont réfugiées en particulier dans la province de Kerbala plus au sud, ou dans des régions kurdes dans le nord. Les violences, déclenchées le 30 décembre avec le démantèlement à Ramadi d'un camp de protestataires sunnites anti-gouvernementaux, ont fait plus de 250 morts, selon un décompte basé sur des sources médicales et officielles. Outre l'armée et les combattants de l'EIIL, les tribus lourdement armées de la région ont pris part à ces combats, certaines avec et d'autres contre les forces gouvernementales. Il y a une semaine, des centaines d'hommes armés, arborant pour certains le drapeau noir des jihadistes, ont participé sur une place du centre de Fallouja à la grande prière hebdomadaire, au cours de laquelle un combattant a solennellement déclaré que la ville était désormais un «Etat islamique», selon un témoin et des images diffusées par les jihadistes. Depuis, des policiers chargés de la circulation ont repris leur poste dans les rues de Fallouja, toujours sous le contrôle d'hommes armés et masqués. A Washington, un haut responsable américain a plaidé pour «une approche patiente et délibérée», estimant qu'il serait «prudent» de prendre plusieurs semaines pour résoudre la crise. Après avoir annoncé une attaque majeure contre la ville et déployé des renforts tout autour, l'armée a assuré qu'elle ne mènerait pas d'assaut dans l'immédiat pour éviter des victimes civiles. Une attaque contre Fallouja risque d'aggraver les tensions entre la minorité sunnite et le gouvernement, et constitue un défi de taille pour les forces gouvernementales qui n'ont encore jamais mené une opération de cette ampleur depuis le départ des derniers soldats américains il y a deux ans.