Des milliers de personnes venues de toute la Kabylie étaient au rendez-vous. Il y a trois ans, jour pour jour, les éléments de la brigade de gendarmerie d'Amizour, en patrouille, interpellaient trois collégiens qui se dirigeaient en compagnie de leur professeur d'éducation physique au stade scolaire pour une séance de sport. La nouvelle s'était alors propagée comme une traînée de foudre plongeant la région dans une tension qui ne tardera pas à s'étendre aux autres contrées de la wilaya de Béjaïa. C'était un 22 avril 2001, soit quatre jours après l'assassinat du jeune Guermah Massinissa dans les locaux du même corps de sécurité à Beni Douala dans la wilaya de Tizi Ouzou. C'était le début des troubles dans la région de Basse-Kabylie qui allait connaître par la suite d'autres victimes à Akbou, Ouzellaguen, Adekar... Pour ce troisième anniversaire, des milliers de personnes venues des quatre coins de la région de Kabylie étaient au rendez-vous pour prendre part aux manifestations commémoratives, entrant dans le cadre de la célébration du double anniversaire du Printemps noir et du Printemps amazigh initiée par la Coordination intercommunale de Béjaïa. Contrairement à la marche organisée à Béjaïa, le 20 avril, celle de ce jeudi se voulait une manifestation grandiose. Elle le fut à plus d'un titre. D'abord par la qualité des participants majoritairement adultes puis par son allure qui était des plus sereines. La procession humaine s'est ébranlée du centre de la ville en direction du pont où furent interpellés les trois collégiens. Tout au long du parcours riche en couleurs, les participants scandaient à tue-tête des mots d'ordre chers aux aârchs dont les délégués étaient manifestement présents en force. Véritablement les ârchs ont, cette fois-ci, tenu leur pari de célébrer une date en montrant qu'ils sont toujours aussi mobilisateurs. Ils l'ont d'ailleurs fait comprendre en faisant sans cesse référence à la foule drainée pour la circonstance. Cette fierté sera par la suite décelée dans les propos tenus par les nombreux intervenants dans le meeting ayant sanctionné la manifestation du jour sur la gare routière de la ville. Manifestement, la ville d'Amizour n'a pas oublié et n'est pas près d'oublier cette bavure de plus. Dans leurs interventions, les délégués des ârchs de Kabylie ont réitéré leur engagement «à poursuivre le combat jusqu'à satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur». «Nous resterons dans la rue tant que nos revendications ne seront pas satisfaites», déclaraient-ils. Dans ces discours radicaux des uns et réconciliateurs des autres, se dessinait une volonté nette de reprendre les négociations rompues au moins de janvier dernier. Même si cela n'est pas dit clairement, on le saisit tout de même dans certaines interventions, notamment celles des délégués qui ont pour habitude de se faire les porte-voix des ârchs. Notons que parallèlement à la marche du jour, d'autres activités ont été inscrites au programme de cette commémoration qui fut, de l'avis général, franchement, à la hauteur et à l'image du mot d'ordre de grève qui a paralysé toute la ville d'Amizour. Ce n'est que vers la fin de la journée que les nombreux participants se sont quittés en toute quiétude avec l'espoir que leur combat aboutisse dans les plus brefs délais. A défaut, ils se réserveraient toujours le droit de recourir à la rue qui les a accueilli trois ans durant.