C'est l'incertitude dans les secteurs sunnite et chiite des deux villes rebelles assiégées par les marines américains. L'accord conclu le 21 avril à Falloujah entre les dignitaires de la ville et les assiégeants américains a volé en éclat jeudi quand les marines ont organisé une opération coup de poing lors de laquelle 36 résistants ont été tués. De fait, ouverte un moment pour permettre le retour des réfugiés, Falloujah a de nouveaux été bouclée, jeudi, par les marines interdisant aux civils de revenir dans leurs foyers. A défaut de pouvoir pactiser avec les Irakiens, l'armée américaine d'occupation tente, de manière musclée, de restaurer l'ordre en Irak. D'ailleurs, l'armée américaine a largué hier sur la ville de Kerbala, où est positionnée l'Armée du Mehdi, miliciens du chef radical chiite Moqtada Sadr, des tracts dans lesquels elle invite la population à se désolidariser des «rebelles» chiites. Dans ces tracts, l'autorité provisoire de la coalition affirme que «la loi sera respectée et l'ordre restauré en Irak» indiquant : «Les Irakiens méritent la paix et la stabilité et non le chaos et la violence», et appelant enfin les miliciens «à rendre les armes et à se retirer immédiatement des bâtiments relevant de l'Etat». A Najaf, Moqtada Sadr menace de recourir aux attentats suicide si la coalition tente de forcer les villes saintes de Najaf et Kerbala, indiquant «Si nous sommes obligés de défendre nos villes, nous recourrons aux opérations suicide et nous serons des bombes à retardement qui exploseront à leur visage». De fait, hier à Kerbala, un accrochage a opposé les forces de la coalition aux miliciens chiites de Sadr et s'est traduit par la destruction d'un véhicule des forces de la coalition et des blessures pour huit miliciens. A l'instar de Moqtada Sadr à Najaf, à Falloujah, le cheikh Ahmed Abdel Ghaffour Samourraï a mis en garde hier les forces d'occupation, menaçant d'une «insurrection généralisée» en Irak, indiquant : «J'ai un message urgent pour les forces américaines. Vous avez dépassé les lignes rouges. Prenez garde à ne pas frapper à nouveau Falloujah» affirmant : «Verser le sang des Irakiens n'est pas permis. Si vous frappez à nouveau, tout l'Irak deviendra Falloujah du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest». Faisant un bilan des combats des ces derniers jours, le ministre de la Santé du Conseil transitoire irakien, Khodayyir Abbas, a indiqué hier qu'il y a eu 271 Irakiens tués et 793 blessés à Falloujah et 305 tués et 1261 blessés dans le reste du pays lors des batailles qui ont été livrées entre résistants irakiens et forces de la coalition. En fait, la persistance de la tension dans les deux villes «rebelles» de Falloujah et Najaf, a quelque peu renvoyé en arrière-plan l'actualité politique en Irak et la prise en charge du transfert de souveraineté aux Irakiens le 30 juin. Les Etats-Unis demeurent sur ce point délibérément vagues, ce qui a amené les sénateurs américains à s'inquiéter auprès de l'administration Bush des tenants de son programme en Irak. C'est ainsi que l'influent sénateur républicain, John McCain déplore : «Nous ne savons même pas encore à quoi ressemble le plan pour le transfert de pouvoir le 30 juin», indiquant : «Espérons que nous aurons beaucoup d'aide de l'ONU et de Lakhdar Brahimi (émissaire spécial de l'ONU pour l'Irak).» En fait quelque peu «perturbés» par la subite recrudescence de la violence en Irak, dont à l'évidence, ils n'ont pas pris en compte l'éventualité, les stratèges du Pentagone et de la Maison-Blanche semblent avoir recours à la solution de facilité qui consiste en le renforcement de leurs effectifs en Irak. Ce qui constitue surtout une fuite en avant devant la désagrégation de la situation. Illustrant la dégradation des conditions sécuritaires, le général Myers a laissé entendre que des troupes supplémentaires seraient certainement nécessaires, estimant d'autre part que le coût des opérations militaires était en constante augmentation. En fait, l'administration Bush ne dit pas tout aux Américains et à leurs représentants, ce qui est le sentiment du sénateur républicain John Warner, lequel, après une entrevue avec Mme Rice- conseillère présidentielle à la sécurité nationale - estime que les Irakiens, après le 30 juin «jouiront d'une souveraineté limitée».