Le Parti islamiste pour la justice et la construction (PJC), deuxième force au Congrès général national (CGN, Parlement), avait annoncé mardi le retrait de ses cinq ministres du gouvernement. Le pouvoir exécutif risque de se trouver totalement paralysé en Libye, où des députés islamistes ont engagé un bras de fer avec le Premier ministre indépendant Ali Zeidan dont ils réclament la démission, lui reprochant son inaction sur le plan de la sécurité. Le Parti islamiste pour la justice et la construction (PJC), deuxième force au Congrès général national (CGN, Parlement), avait annoncé mardi le retrait de ses cinq ministres du gouvernement. Une décision intervenue peu après une tentative de 99 députés, des islamistes pour la plupart, de faire passer devant le Congrès une motion de défiance -exigeant un quorum de 120 députés- pour faire chuter le gouvernement. Même si le coup de force des islamistes a échoué, pour Khouloud al-Aguili, professeur de sciences politiques, le gouvernement va désormais devoir se contenter d'expédier les affaires courantes. «Ali Zeidan (...) ne sera pas en mesure de prendre des mesures passant par un vote du Congrès, dont la majorité lui est hostile», explique-t-il. Face aux appels à la démission, M.Zeidan, soutenu par 94 députés, dont la plupart du parti libéral de l'Alliance des forces nationales (AFN), a répété mercredi son refus de quitter le pouvoir. Mais pendant ce temps, le pays s'enfonce chaque jour un peu plus dans l'insécurité, et l'économie reste anémiée, plus de deux ans après la chute du régime de Mouamar El Gueddafi. L'épreuve de force entre islamistes et libéraux risque d' «enfoncer encore davantage le pays dans un sombre tunnel», estime l'analyste politique libyen Khaled Tajouri. Le prochain test sera l'adoption du budget 2014, que le Premier ministre doit soumettre dans les prochains jours au Congrès et qu'il risque de voir rejeté. Autre difficulté en vue: le remaniement annoncé au sein de son gouvernement, à la fois pour remplacer les islamistes démissionnaires, pourvoir le portefeuille vacant de l'Intérieur et remplacer le ministre des Affaires étrangères qui souhaite quitter le cabinet, selon M. Zeidan. Là encore, il va se heurter à l'hostilité des députés qui seront appelés à donner leur aval au nouveau gouvernement mais l'attendent au tournant pour prendre leur «revanche», selon M. Aguili, après l'échec de leur motion de défiance. Mais le Premier ministre reste ferme sur ses positions et mercredi il a répété qu'il ne démissionnerait que si le Congrès, qui compte 194 députés, parvenait à un consensus sur un successeur. Cette crise politique intervient sur fonds de violences dans plusieurs régions, en particulier dans le Sud, théâtre depuis plusieurs jours d'affrontements tribaux impliquant des groupes armés accusés d'être des partisans de l'ancien régime. En outre, des centaines de milices restent actives et sont responsables d'abus dans le pays, tandis que dans l'Est des juges, des militants et des membres des forces de sécurité sont régulièrement la cible d'assassinats. Sur le plan économique, le pays risque de connaître sa plus grave crise financière, après l'échec des autorités à lever le blocage des terminaux pétroliers dans l'Est qui dure depuis plusieurs mois, privant le pays de son unique source de revenu. «La Libye ne parvient pas à instaurer l'Etat de droit et à protéger les droits des citoyens, au moment où le pays sombre dans l'anarchie», a estimé Human Right Watch (HRW), dans son rapport annuel publié mardi. Mais au delà des divergences au sein du CGN, la décision unilatérale prise fin décembre par le Congrès de prolonger de 10 mois son mandat, jusqu'au 24 décembre 2014, a provoqué la grogne d'une grande partie de la population et de la classe politique qui réclament désormais sa dissolution pure et simple. Et pour l'ancien responsable libyen Mahmoud Chammam, la motion de défiance du CGN n'est qu'une manoeuvre de diversion. «La motion de censure contre le gouvernement de Zeidan vise à en faire un bouc émissaire» pour, selon lui, détourner les regards du Congrès, dont la décision de prolongation a suscité des manifestations dans de nombreuses villes. «C'est une crise créée de toutes pièces par les détracteurs du gouvernement au Congrès pour rester au pouvoir plus longtemps», a estimé de son côté le politologue Abdelaziz al-Soukni.