150.000 morts, quelque 18.000 disparus, un embargo économique asphyxiant... sont les résultats de la tragédie. La réconciliation nationale n´est pas le fruit de la démarche «concordiale» initiée par le président Abdelaziz Bouteflika, mais l´aboutissement de tout un processus, né de l´arrêt du processus électoral de janvier 1992. «Un coup d´Etat» (Ait Ahmed : Ndlr) qui, abstraction faite de ses objectifs politiques, a été à l´origine de l´hécatombe qui a endeuillé le pays, pendant plus de dix ans. 150.000 morts, quelque 18.000 disparus, des dizaines de milliers de personnes déplacées, des séquelles physiques et psychologiques indélébiles, un embargo économique asphyxiant... sont les résultats de cette tragédie. Scindée, avec la création du CNSA (Comité national pour la sauvegarde de l´Algérie) favorable à l´interruption du processus électoral, en deux camps (éradicateur et réconciliateur), la classe politique, avec sa composante laïco-islamo-nationaliste, s´étant trop attardée sur des considérations purement idéologiques, avait complètement ignoré la situation chaotique dans laquelle était plongé le pays. Pour arrêter l´effusion de sang, avec, toutefois, des préalables dépassés par la conjoncture, à savoir la réhabilitation de l´ex-FIS et la libération de ses responsables, des partis de l´opposition ainsi que des personnalités nationales ont signé le 13 janvier 1995 le contrat de Rome. Un pacte qui ne tardera pas à être décrié par les membres du Conseil national de transition (CNT) de l´époque, allant jusqu´à qualifier de «traîtres à la nation» les signataires du document. Pourtant, au cours de la même année, sera promulguée la loi sur la rahma permettant aux groupes terroristes «égarés» de rejoindre «la voie de la raison». Parallèlement, des négociations étaient menées entre le pouvoir et l´ex-FIS, qui ont, notamment, abouti à la libération d´Abassi Madani et Abdelkader Hachani, mais aussi des négociations secrètes avec l´Armée islamique du salut (AIS) étaient menées pour désarmer ses combattants et les faire bénéficier de mesures de clémence dans le cadre de la loi sur la «rahma». «Une loi qui assurait l´impunité à tous ceux qui ont eu à collaborer avec les autorités dans le cadre de la loi antiterroriste», estiment les familles des victimes du terrorisme. Ainsi, contrairement aux signataires du contrat de San´t Egidio, qui prônaient un dialogue avec les responsables politiques de l´ex-FIS, à même de lever toute couverture politique sur les groupes armés, les autorités algériennes étaient allées négocier dans les maquis. Les premières tractations, qui avaient débouché sur la trêve unilatérale de l´AIS, avaient commencé à la fin novembre 1997, plongeant ainsi les groupes terroristes dans une vague d´expéditions punitives, sanglantes. Les liquidations dans les rangs du GIA et de l´AIS étaient le fait de l´esprit de suspicion ayant régné, après la promulgation de la loi sur la rahma, suivie d´une série de défections au sein des groupes terroristes. La loi sur la rahma sera ensuite renforcée, en décembre 1998, par le décret sur la tragédie nationale pris par le gouvernement de M.Ahmed Ouyahia, ce qui, une fois de plus, avait soulevé un tollé général chez les familles des victimes du terrorisme. Ces dernières considérant que cette loi «visait à mettre sur un pied d´égalité les victimes et leurs bourreaux». Le décret Ouyahia sera ensuite annulé par le gouvernement de M.Smaïl Hamdani, au début de l´année 1999, sous la pression de la rue. Cependant, avec l´arrivée de M.Bouteflika à la tête de l´Etat en avril 1999, la promulgation de la loi sur la concorde civile avait permis à des milliers de terroristes en villégiature dans les monts de Jijel, de l´Ouarsenis et de Médéa de se rendre aux forces de l´ordre. Au nom de la concorde civile votée à l´unanimité par les deux chambres du parlement, les commissions probatoires installées à travers le territoire national distribuaient des certificats de virginité à tous les terroristes. Même les partis dits éradicateurs, comme le RCD et le RND, avaient approuvé le texte de loi, qui sera adopté par le peuple algérien à une large majorité. Ce qui a été dès lors perçu comme un plébiscite à l´auteur de ladite loi, qualifié de «mal élu». Rappelons que lors de la campagne électorale ayant précédé le référendum, le président Bouteflika n´a pas hésité à lâcher le mot réconciliation nationale, tout en laissant entendre que la concorde civile allait évoluer en concorde nationale. Joignant l´acte à la parole, le chef de l´Etat signera en 2002, le décret portant grâce amnistiante, un terme jusque-là inconnu dans le jargon juridique. Mu par la volonté de mettre un terme à la spirale de la violence, le président Bouteflika ne cesse d´appeler les groupes terroristes récalcitrants à déposer les armes, pour, dira-t-il, extraire le dossier sécuritaire aux manipulations politiciennes et aux marchands de la mort.