Scène du film Excusez du peu, La petite Venise, premier long métrage du réalisateur italien Andrea Segre est rehaussé par la présence de la célèbre actrice fétiche de Jia Zhang-ke, la belle et vaporeuse chinoise Zhao Tao... Il est de ceux qui ont été projetés de mieux au cours de cette semaine. La petite Venise du réalisateur italien Andrea Segre est un très beau film méditatif sur les relations humaines. C'est l'histoire d'une rencontre improbable entre une jeune Chinoise et un vieux italien pêcheur. Shun Li travaille dans un atelier textile de la banlieue de Rome pour obtenir des papiers et faire venir son fils en Italie. Elle arrive à Chiogia, petite île de la lagune vénitienne pour tenir le bar d'une auberge. Shu Li croit aussi à la fête traditionnelle chinoise que célèbre chaque année le poète pour le prémunir du danger. Bepi, un pêcheur venu il y a 30 ans de Yougoslavie, aime taquiner la muse et faire des vers, à tel point que ses amis le surnomment le poète. Ce dernier fréquente le bar depuis des années. La solitude de l'un et de l'autre et leur sensualité exacerbée fera naître entre eux une belle amitié romantique basée sur l'éloignement et le manque, car Bepi a aussi un fils et deux petit-fils qu'il ne voit pas trop. Si la providence fera se croiser ces deux âmes esseulées, les hommes ne verront pas d'un bon oeil cette relation étrange et feront tout pour la dénouer. L'amitié est rompue car elle dérange les deux communautés. En somme, l'ordre est donné à Shul Li de cesser de voir Bepi en dehors de son travail, sinon elle ne reverra jamais son fils. Les habitants de l'île eux aussi commencent à critiquer sérieusement cette complicité naissante. Premier long métrage après une série de documentaires sur l'immigration, ce film d'Andréa Serge, donne le temps juste sur l'incapacité de certains d'aller vers l'Autre, pour mieux se connaître à travers lui. «C'est ce qu'ont réussi à faire pourtant Bepi et Sun Li...», dira-t-il. C'est l'idée sur laquelle a insisté le réalisateur durant le riche débat qui a suivi la projection, mardi dernier, et a drainé une forte assistance. Outre la question du message évoqué des plus humaniste et le rejet qui peut exister entre les communautés, le film se veut pousser des portes afin de briser le cercle du silence teinté de xénophobie qui prévaut en Europe. Le film est aussi rehaussé par la présence de grands comédiens à l'instar de Rade Sebedzija et l'actrice fétiche de Jia Zhang-ke, Zhao Tao (auteur notamment du Touch of sign, Prix du meilleur scénario au Festival de Cannes en 2013). Entre fragilité et innocence, douceur et mélancolie, mais aussi d'a priori, l'aspect esthétique qui domine le film (tourné en hiver) lui confère toute sa majesté et noblesse des sentiments qui jaillissent de cette région isolée d'Italie et creuse ainsi que cette sensation de différence. La lumière et la façon de filmer la nature dans ce film est remarquable insufflant au film un rythme nonchalant, mais profond celui des coeurs qui s'ouvrent au monde. Tourné aussi à Rome et Venise, le réalisateur a imprimé à ses images une aura fantastique faisant de l'espace un énième personnage. Lors de son bref séjour dans cette île, Sun Li a une amie de chambre mystérieuse. Le réalisateur fait planer d'emblée le doute sur son existence. Est-elle vraie ou le fruit d'imagination de cette Chinoise? A cette question, le réalisateur dira croire en l'intelligence du spectateur qui se doit de dialoguer avec le film, d'où le fait de laisser aux spectateurs le choix à moult interprétations. De la sensiblerie peut-être, mais si touchante et authentique qu'elle fait de ce film un vraie ode à l'amour et à la conciliation des êtres...