L'entretien accordé par le chef du gouvernement au journal «Le Point» explicite les grandes lignes de son programme. Le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, a accordé un court entretien au journal français Le Point dans lequel il est revenu sur les grandes priorités de son programme. Sans revenir le moins du monde sur la situation sécuritaire, signifiant par là que la question serait réglée en grande partie et que les grands débats doivent désormais être situés ailleurs, Ahmed Ouyahia est revenu sur ce qu'il compte faire dans l'immédiat : «Nous devons rattraper notre retard économique et social, intégrer l'OMC, signer un accord de libre-échange avec l'Union européenne.» Ouyahia, qui évite de détailler chacun de ces points, se contente seulement de préciser que le retour de la sécurité a posé de nouveaux défis et objectifs dont «la résorption du chômage». Un gros dossier dont il sera difficile de venir à bout. Ouyahia, qui dit que pas moins de 1,5 million emplois ont été créés en cinq ans avec un investissement global de 46 milliards de dollars, n'en précise pas moins, en effet, que chaque année, quelque 400.000 jeunes arrivent sur le marché de l'emploi. Cela, sans omettre de parler de ceux qui perdent leur poste pour une raison ou une autre. Car il faut également préciser qu'Ouyahia, dans son euphorie, omet de souligner que sur les 1,5 million emplois créés, il en est un tiers au moins qui ne sont que temporaires, ce qui n'est pas peu dire. Jadis, partisan farouche de la privatisation à n'importe quel prix, de même qu'il était éradicateur avant de se transformer en réconciliateur, Ouyahia applique scrupuleusement les consignes de Bouteflika qui, dans sa lettre rendue publique à l'occasion du 1er Mai, a déclaré en substance ne pas vouloir faire de vagues avec le puissant partenaire social qu'est l'Ugta, à qui il doit beaucoup pour sa réélection à la tête de l'Etat algérien. Abordant donc le sujet des privatisations, devant être tôt ou tard remis sur le tapis, le chef du gouvernement précise que «c'est un problème d'efficacité, de compétitivité, une façon d'acquérir un savoir-faire et de s'ouvrir sur les marchés extérieurs. Mais nous ne voulons pas vendre les bijoux de famille pour une bouchée de pain». La sortie, qui constitue une réponse indirecte à la rumeur faisant état de la remise sur selle du projet de loi sur les hydrocarbures. Ouyahia, qui lorgne résolument la relance, afin de venir à bout de l'ensemble des autres problèmes, dit ne pas se montrer regardant sur les fonds des quelque 4 millions d'Algériens vivant à l'étranger. L'Algérie, toutefois, ne sera pas transformée en paradis fiscal. Mieux, la guerre peut bien être déclarée à la mafia de la rente dans les prochaines semaines, si l'on en croit les propos d'Ouyahia : Il n'y aura pas d'amnistie fiscale pour l'argent détourné. 500 millions d'euros sortent chaque année du pays. Nous voulons combattre l'économie de rente, récupérer l'argent de l'extérieur en créant les conditions de sa rentabilité à l'intérieur.» Ouyahia, qui n'explicite pas le projet, qualifie sa démarche de véritable «rupture». L'Algérie, qui a pris un retard considérable vis-à-vis de ses voisins marocain et tunisien, aurait l'intention, cette fois-ci de ne pas se contenter de déclarations d'intention dans le cadre de l'amendement du code de la famille si l'on en croit les propos du chef du gouvernement : «La loi est prête et va être présentée au Parlement. Il faut mettre en adéquation le texte et le rôle que les femmes jouent dans ce pays. Ainsi une femme était candidate à l'élection présidentielle, une autre préside le conseil d'Etat.» Ce qui étonne, dans cet entretien court mais concentré, c'est que des sujets de la plus haute importante n'aient pas été abordés. Il en va ainsi de la rumeur sur les redditions en masse, de l'avenir du pluralisme en Algérie à la lumière de la crise du FLN et des interdits qui pèsent sur le mouvement Wafa et le Front démocratique et, enfin, le rôle futur de notre pays dans les régions maghrébine, méditerranéenne, arabe et africaine.