Le groupe islamique armé reste encore maître des maquis luxuriants du sud-ouest de Berrouaghia. La commune de Zoubiria vit pleinement son printemps, comme des taches rouges et jaunes se détachent dans les vastes près environnants coquelicots et marguerites. Les jeunes, à la lisière de la route nationale de Blida-Médéa-Djelfa discutent comme à l'accoutumée. «Les quatre personnes assassinées? C'est un peu plus haut, vers les monts de Mongorno, à quelques kilomètres plus à l'ouest». La veille, vendredi, dernier jour du mois d'avril, un groupe armé, «composé de quatre à six terroristes», selon un habitant de Zoubiria, a fait irruption dans ces montagnes tranquilles et isolées situées à moins de 10 km au sud-ouest de Berrouaghia. Quatre personnes habitant les hameaux voisins, qui labouraient leurs champs et s'apprêtaient à repartir chez eux, sont surpris par le groupe armé qui les tue à bout portant, «à l'arme automatique», avant de repartir aussitôt leur attentat perpétré du côté ouest de Mongorno. L'incursion qui n'a duré que quelques minutes a eu lieu à la tombée du jour dans cette contrée qui a été, entre 1996 et 1999, la cible privilégiée des groupes de Zouabri. Les maquis de Mongorno sont un lieu de repli par excellence des groupes armés locaux, le GIA de Ouahabi Rachid dit Abou Tourab, un chef fantomatique et sans aucun charisme, et le Gspd d'Abdelkader Saouane, dit Abou Toumawa, un dirigeant à l'effectif très réduit, mais qui rayonne par son personnage de «redresseur de torts». Cependant, l'attentat de Zoubiria est imputable vraisemblablement au GIA et le Gspd a, de tout temps, essayé de gagner l'estime des autochtones en s'acharnant sur «les forces de sécurité et leurs appuis locaux», tout en épargnant les populations locales. C'est la deuxième fois que le GIA s'illustre à Médéa en quelques semaines, en perpétrant des attentats contre des citoyens. Il y a quelques jours, deux ambulances avaient été ciblées par une embuscade qui a fait 8 morts, tous membres de la même famille, au sud-est de Médéa. Le GIA qui s'est effacé peu à peu depuis la mort, le 8 février 2002, de son chef Antar Zouabri, et son remplacement par Rachid Ouakali, six jours plus tard, semble revenir à la vie...sur la pointe des pieds. Episodiquement, il est signalé ici et là, et arrive à tuer des citoyens dans le triangle Blida-Médéa-Aïn Defla, avant d'entrer en léthargie, qui peut durer plusieurs semaines. Un jour seulement avant l'attentat de Mongorno, un mouvement suspect d'un groupe armé de trois personnes avait été signalé à Bougara, au lieu-dit Oued Lakhira. La prompte riposte des militaires, stationnés aux alentours, avait permis d'éliminer deux hommes armés. De fait, il est fort à craindre qu'une escalade terroriste ne vienne fausser les calculs des concordistes et apporter un démenti cinglant aux velléitaires de la trêve, qui, selon la presse, «fait florès». Autant l'assassinat des quatre gardes communaux peut signifier un démenti, parmi les hommes du Gspc, à la trêve des groupes de l'Est, autant l'assassinat des quatre cultivateurs de Mongorno peut ressembler à une sévère mise en garde aux autorités et aux autres hommes armés tentés par le dépôt des armes. Sur ce plan-là, les prochains jours seront très instructifs au sujet des mouvements des trêvistes.