L'armée tchadienne a combattu en première ligne aux côtés des Français lors de l'intervention au Mali, début 2013. Au moins 10 personnes ont été tuées lors de violences accompagnées, hier, de pillages à grande échelle à Bangui, au moment où le ministre français de la Défense entamait une nouvelle tournée régionale largement consacrée à la Centrafrique. Dans la capitale, une nouvelle flambée de violence avait éclaté samedi soir aux abords de la mairie du 5e arrondissement, au centre-ville, avec cinq personnes tuées dans des circonstances non établies, puis trois autres dans des affrontements intercommunautaires, et une neuvième par des soldats de la force de l'Union africaine (Misca), selon des témoins. Ce bilan a été confirmé sur place aux médias par Peter Bouckaert, de l'ONG Human Rights Watch, qui a également fait état du lynchage à mort d'une dixième personne - musulmane ou chrétienne, selon des sources contradictoires - hier matin près du marché central. Dans la même journée, des soldats français et des gendarmes centrafricains ont pris position dans le 5e arrondissement livré aux pilleurs, au milieu de ruines de commerces encore fumantes. Le quartier était survolé par un hélicoptère de combat français, faisant baisser la tension sans arrêter les pillages. Selon des habitants, après la mort de cinq personnes samedi soir, une femme chrétienne de ce quartier mixte a été tuée par un musulman. Son agresseur a été capturé et tué, et son cadavre brûlé devant la mairie, où son corps calciné gisait au milieu de la route. Un deuxième civil musulman a ensuite été tué et son meurtrier s'apprêtait à jeter le cadavre dans un brasier quand les soldats rwandais de la Misca ont ouvert le feu, a raconté Innocent, un habitant du quartier. «Ils l'ont tué», a accusé Innocent, s'exprimant au milieu d'une foule surexcitée criant «A mort les Rwandais». «Les Rwandais sont tous des musulmans! Dehors, les Rwandais!», hurlait une femme, tandis que crépitaient des rafales de kalachnikov, d'origine indéterminée. Dans la mairie du 5e arrondissement, une petite dizaine de soldats rwandais était retranchée: «la nuit, c'était terrible», a dit l'un d'eux à la presse. En fin de matinée, malgré les remontrances des militaires français, des bandes de jeunes pillards continuaient de venir se servir, certains équipés de brouettes ou de charrettes se glissant entre les blindés. Au fil des heures, le nombre de pillards n'a cessé d'augmenter: «Les Français ne vont pas nous tirer dessus», assurait en riant un jeune coiffé d'un bonnet. Le commandant en chef de la Misca, le général camerounais Martin Tumenta Chomua, a menacé dès samedi les groupes armés de recourir à la force pour arrêter assassinats, lynchages et pillages qui se poursuivent à Bangui et en province en toute impunité. Dans ce climat de violences sans fin, le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian était attendu hier, dimanche après-midi, au Tchad pour une nouvelle tournée consacrée en grande partie à la crise centrafricaine. Il doit s'entretenir à N'Djamena avec le président Idriss Déby Itno, acteur militaire et politique majeur d'Afrique centrale, de la situation à Bangui, mais aussi de la réorganisation du dispositif français au Sahel, où l'armée tchadienne a combattu en première ligne aux côtés des Français lors de l'intervention au Mali début 2013. M. Le Drian se rendra ensuite au Congo, dont le président Denis Sassou Nguesso est médiateur dans le conflit centrafricain, puis mercredi à Bangui pour sa troisième visite depuis le début, le 5 décembre, de l'intervention française «opération Sangaris». La Centrafrique a sombré dans le chaos depuis la prise du pouvoir en mars 2013 par Michel Djotodia, chef de la coalition rebelle Séléka à dominante musulmane devenu président, qui a été contraint à la démission le 10 janvier pour son incapacité à mettre fin aux tueries interreligieuses. II a été remplacé le 20 janvier par Catherine Samba Panza, qui vient d'effectuer son premier déplacement à l'étranger, à Brazzaville où elle a rencontré M. Sassou Nguesso.