La Centrafrique a sombré dans le chaos depuis le coup d'Etat en mars 2013 Les anti-balaka s'en sont pris systématiquement aux civils musulmans, multipliant lynchages et pillages, conduisant ONG et ONU à dénoncer un nettoyage ethnique. Les forces internationales viennent de mener à Bangui une vaste opération de désarmement des anti-balaka, des miliciens majoritairement chrétiens accusés de crimes atroces contre la minorité musulmane, auxquels la présidente intérimaire a déclaré la guerre. Les responsables militaires de l'opération française Sangaris et de la force de l'Union africaine (Misca), qui tentent de mettre fin à la crise dans ce pays livré aux pillages et aux massacres interreligieux depuis bientôt trois mois, avaient durci le ton ces derniers jours, prévenant qu'ils feraient usage de la force. Cette opération de désarmement, la plus importante menée contre les miliciens anti-balaka, n'a cependant pas permis l'arrestation des principaux dirigeants du groupe armé. La Centrafrique a sombré dans le chaos depuis le coup d'Etat en mars 2013 de Michel Djotodia, chef de la coalition rebelle Séléka, à dominante musulmane, contraint à la démission le 10 janvier. Face aux rebelles de la Séléka se sont peu à peu constituées des milices locales d'autodéfense, issues des régions rurales à dominante chrétienne, à savoir les anti-balaka, littéralement «anti-machette», qui ont à leur tour semé la terreur dans Bangui et en province. Après le départ du président Djotodia, et le désarmement et le cantonnement des éléments de la Séléka menés par les soldats de Sangaris, les anti-balaka s'en sont pris systématiquement aux civils musulmans, multipliant lynchages et pillages, conduisant ONG et ONU à dénoncer un nettoyage ethnique. L'opération de ratissage menée hier samedi, la plus impressionnante depuis le début de Sangaris en décembre, a débuté peu avant 6H00 sur un large périmètre du quartier Boy Rabe, fief banguissois des milices anti-balaka. En début d'après midi les ministres centrafricains de la Défense, de la Sécurité et de la Justice se sont rendus en compagnie du procureur de la République Ghislain Grésenguet au camp militaire de la Misca où les personnes interpellées, «une bonne dizaine» entre vendredi soir et samedi derniers selon le procureur, ont été amenées. Parmi les personnes interpellées figure le lieutenant Hervé Ganazoui, «en charge des opérations à l'état-major anti-balaka», a déclaré Emotion Brice Namsi, qui se présente comme un porte-parole des miliciens. Toutefois, l'un de ses «objectifs» l'arrestation de Patrice Edouard Ngaissona, qui se présente comme le «coordonnateur politique» des anti-balaka, n'a pas été atteint. «Ils n'ont pas réussi à me prendre, j'étais sorti. Il faut qu'on me dise pourquoi on me cherche», a affirmé M.Ngaissona. Quinze minutes après l'encerclement de sa maison par les forces africaines, des explosions de grenades et des tirs ont été entendus. Selon une source militaire, «face à l'agression des occupants de la maison, des éléments de la Misca ont tiré en l'air». Interrogé, le procureur a regretté que M.Ngaissona ait pu échapper à une interpellation. «C'était le gros poisson qu'il fallait prendre», a-t-il dit. L'opération, durant laquelle l'armement saisi comprenait des fusils d'assaut, armes automatiques artisanales, grenades et munitions diverses, s'est achevée aux alentours de 10h00. Les véhicules des Sangaris et de l'Union africaine sont repartis sous les huées des habitants qui scandaient notamment: «Cassez-vous ou on va s'occuper de vous!». La présidente centrafricaine Catherine Samba Panza a menacé mercredi dernier de faire «la guerre» aux milices. Elle faisait écho aux déclarations menaçantes du ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian et des commandants des contingents français et africain en Centrafrique, qui visaient directement les miliciens et les pillards sévissant en toute impunité. Face aux difficultés rencontrées par Sangaris et la Misca pour sécuriser le pays et désarmer les populations, la France a annoncé vendredi dernier l'envoi de 400 militaires supplémentaires, portant le dispositif Sangaris à 2000 hommes. M. Le Drian a justifié cette décision en estimant que le degré de violence rendrait l'opération plus longue que prévu. «Je crois que ça sera plus long que prévu, parce que le niveau de haine et de violence est plus important que celui qu'on imaginait», a-t-il dit. De son côté, la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, en visite à l'ONU à New York, a annoncé que l'UE«envisageait de doubler» l'effectif d'Eufor-RCA, de 500 à 1000 hommes. Cette force «sera sur le terrain très, très vite», a-t-elle assuré. Selon des diplomates européens, il est prévu qu'elle se déploie à Bangui à partir de mars. La France avait déployé début décembre 1600 hommes en RCA. Cet effectif limité, qui agit officiellement en soutien des 6000 hommes de la Misca, n'a pas permis de faire cesser les violences.