Profitant des divisions constatées dans les rangs des redresseurs, les «pro-Benflis» lancent une contre-offensive de très grande envergure. Abdelkrim Abada, avec les membres de la direction provisoire du FLN au grand complet, a présidé, ce jeudi au siège national du parti, une rencontre des mouhafedhs. Sur les 56 que compte le FLN, ce ne sont pas moins de 55 qui étaient présents ou s'étaient faits représenter, ce qui confirme les craintes et atermoiements des dirigeants du mouvement de redressement, lesquels ne contrôlent aucune mouhafadha, un mois après le raz-de-marée du 8 avril passé. C'est donc en «position de force», certes toute relative, qu'Abdelkrim Abada, secondé par des ténors de la politique que sont Djeghaba et Hadjeres, a ouvert sa réunion de jeudi. Dans son discours d'ouverture, Abada a tenu à rendre compte aux présents de l'ensemble des épisodes qu'a connu le FLN depuis la présidentielle du 8 avril. Nous apprenons ainsi que «pas moins de 5 rencontres ont eu lieu entre la coordination issue de la réunion du comité central du 7e congrès et les dirigeants du mouvement de redressement». A cette occasion, face au sens «diplomatique» dont sait faire montre Belkhadem en toutes circonstances, il aurait été décidé que «l'ancien différend est devenu obsolète, l'essentiel maintenant étant de sauver le FLN en resserrant les rangs afin que ce parti reste le leader». Abada, qui garde en vue l'importance des enjeux à venir, mais aussi la difficulté d'arriver à la fameuse réconciliation dont parlent les deux camps sans en définir les contours, admet «la présence d'extrémistes dans les rangs des redresseurs qui veulent faire de l'exclusion un leitmotiv, avec pour référence la présidentielle du 8 avril alors que la logique et la loi voudraient que ce soit la décision de justice venue invalider les résultats du 8e congrès». Partant de ce constat, qui remet sur scène les structures issues du 7e congrès, sous peine de voir le Parti tout simplement dissous, l'orateur rappelle que «les 243 membres de cette structure, qui ont pris acte de la démission de M. Ali Benflis, ont placé leur confiance en la structure temporaire chargée de gérer les affaires courantes du FLN en attendant la tenue du 8e congrès, deuxième du nom.» Abada, qui conteste toute autre organisation en dehors de ces deux structures et qui refuse la logique basée sur les vainqueurs et les vaincus, promet que «le comité central peut être convoqué de nouveau dans un proche avenir en vue de définir le plan d'action futur». En fin tacticien, rompu aux pratiques chères au vieux parti, l'ancien membre du bureau du FLN chargé de la communication, ignore superbement la déclaration de guerre qui a émané des redresseurs à la suite de la rencontre de leurs coordinateurs locaux ce mardi. Pour l'autre aile, le communiqué, ne portant aucune griffe officielle et publié en l'absence de Belkhadem, peut facilement être contesté, d'autant qu'il ne sert pas du tout les intérêts du FLN, dont les adversaires, plus proches qu'on ne le croit, n'attendent que cette «division» pour lui prendre sa place de leader au sein de l'alliance présidentielle, mais aussi à la tête de l'APN. Revenant sur les aspects politiques liés à ce conflit, Ababa persiste courageusement à dire n'avoir ni remords, ni complexe, d'avoir soutenu Ali Benflis. «Nous ne regrettons rien. Bouteflika n'est pas notre ennemi, puisque nous ne sommes pas dans l'opposition. Le seul vainqueur est le peuple algérien. Chacun a fait campagne pour favoriser son candidat. Les attaques étaient menées contre le candidat Bouteflika et non pas contre le président Bouteflika. C'est pourquoi nous rejetons dans le fond et dans la forme les conditions imposées par les redresseurs exigeant le retrait de tous ceux qui ont attaqué le président-candidat.» Il est rappelé que dans toutes les démocraties effectives du monde, ce genre de pratiques est usité. Mieux, il est relevé le «peu de différences» entre les programmes de Benflis et de Bouteflika. Ce n'est pas tout. La direction issue du 7e congrès de ce parti rappelle fort à propos, que c'est elle qui se trouve derrière la victoire de Bouteflika en 1999, qui a promu la concorde civile et qui a donné à Bouteflika sa majorité parlementaire, mettant en chantier ses plus importantes réformes. Quant à reprendre à son compte le programme actuel, Abada, qui prône le respect de la démocratie et du militant, se montre intraitable en soulignant qu'«il appartiendra au congrès et donc aux délégués de la base, répondant tous à des critères précis, de décider si le programme de Bouteflika sera ou non celui du FLN». Pour revenir à ce rendez-vous, qualifié de «capital» par les deux ailes de ce parti, Abada refuse qu'il se tienne dans la précipitation au début du mois de juillet prochain, comme le soutiennent certains leaders du mouvement de redressement. Il convient, en effet, d'assainir d'abord les rangs et de régler les problèmes organiques qui empêchent les militants des deux camps dans les wilayas de faire enfin cause commune. «Ces assises, indique l'orateur, doivent être préparées par les militants, conformément aux textes, afin que tout le monde passe par les urnes, sans aucune exclusion.» Frappant très fort l'imaginaire tant populaire que militant, Abada et les siens, qui se savent désormais incontournables, jusqu'à affirmer que «le congrès ne se fera pas sans nous», vont plus loin en proposant le 1er Novembre, cinquantenaire du FLN, pour la tenue de ces assises, auxquelles serait invité l'ensemble des figures de ce parti, depuis sa naissance jusqu'à ce jour afin d'en faire véritablement le rendez-vous de la réconciliation. A en croire Abada et en l'absence de Belkhadem, en déplacement à Dublin, «les dirigeants du mouvement de redressement sont d'accord avec cette option à l'exception de quelques extrémistes». Cette rencontre, qui a été sanctionnée par un communiqué reprenant les grandes lignes de ce qui a précédé, confirme si besoin est, que les anciens pro-Benflis, jouissant désormais d'une situation favorable, à cause de la guerre de leadership dans les rangs des redresseurs, amorcent une vaste contre-attaque qui fait, estiment les analystes, que rien désormais, ne pourra se faire sans eux.