La coupe est pleine chez les anciens partisans de l'ex-secrétaire général du FLN, Ali Benflis. Las de subir, disent-ils, les brimades, les pressions et les coups de béliers successifs de leurs camarades « redresseurs », les « légalistes » (c'est l'appellation donnée aujourd'hui aux militants du parti qui ont soutenu Ali Benflis lors la présidentielle du 8 avril dernier) impliqués dans la préparation du 8e congrès bis ont décidé de « tout déballer ». Les « légalistes » ont saisi l'opportunité de la tenue, jeudi dernier, des travaux du comité central issu du 7e congrès pour expliquer les raisons de l'aggravation de la crise qui secoue le vieux front et recueillir le point de vue des anciens du parti. La position que prendra le CC par rapport à cette crise pourrait s'avérer déterminante pour la suite des événements. Mais bien qu'acquis entièrement (en théorie) aux pro-Benflis, il ne faut cependant pas s'attendre à ce que cette instance s'illustre par une position tranchée en faveur de l'une ou de l'autre des parties en conflit. Le nouveau contexte marqué par la victoire du candidat des redresseurs à la présidentielle fera que cette instance cherchera plutôt à arrondir les angles ou à couper la poire en deux. C'est visiblement ce qui s'est passé, puisque certaines sources indiquent que le CC aurait suggéré d'installer une « nouvelle direction unique » pour absorber le mécontentement, intégrer plus de cadres dans la gestion du parti et poursuivre le « brassage » des militants. Jusqu'à hier, le CC du FLN n'avait pas encore officiellement rendu publiques ses résolutions. En attendant, le long déballage d'Abdelkrim Abada devant les 158 membres du CC a montré que les clivages ayant opposé les redresseurs et les « pro-Benflis » avant la réunification des rangs du parti au mois de juin dernier sont encore opérants et tendent même à s'exacerber avec l'approche du 8e congrès. Le responsable de la direction provisoire du FLN, Abdelkrim Abada, reproche ainsi à l'ancien noyau dur des redresseurs de « saborder la réconciliation entre frères » et de poursuivre, en catimini, la guerre pour contrôler tous les leviers du parti. M. Abada a accusé nommément Ammar Tou, l'actuel ministre de la Poste et des Télécommunications, d'être l'un des principaux instigateurs des nombreux « coups tordus » dont est victime son équipe depuis son installation. Et pour Abdelkrim Abada, « ce sont les intrigues et le travail parallèle menés par Ammar Tou et son équipe qui sont à l'origine du vent de déstabilisation qui souffle sur le parti et des retards accumulés dans la préparation des travaux du 8e congrès bis du FLN ». « Sans leurs agissements et leur quête hégémonique, nous aurions certainement pu remettre le FLN sur les rails et tenir son congrès avant le 1er novembre, une date chère à tous », a déclaré M. Abada. Le responsable de la direction provisoire a signalé par ailleurs que Ammar Tou est épaulé par « d'autres ministres se prévalant du FLN, alors qu'en réalité, ils n'ont aucun passé militant ». respect des règlements L'allusion est, a-t-on dit, faite notamment à MM. Ziari et Hemimid, respectivement ministres de la Jeunesse et des Sports et de l'Habitat. Se présentant comme un vieux routier du parti, M. Abada remettra en cause aussi le parcours militant de Ammar Tou. Il dira à propos de ce dernier qu'« il a été ramené par Ali Benflis ». M. Abada tirera aussi à boulets rouges sur les « redresseurs libres » qu'il présente comme des « opportunistes sans poids politique ». Par-delà les différents « coups foireux » encaissés par les redresseurs et donnés avec force détail par M. Abada, la goutte qui a semble-t-il fait déborder le vase est à lier avec les récentes décisions « unilatérales, inappropriées et non conformes aux règlements du parti » prises par Abdelaziz Belkhadem au titre de la préparation du prochain congrès du FLN. Des décisions - aujourd'hui gelées - inspirées, selon les légalistes, par « l'équipe de Ammar Tou qui veut tout contrôler et voit des complots partout » consistant globalement à faire l'impasse sur l'avis de certaines structures nationales et locales du parti dans la préparation du congrès et de la gestion de cette période anté-congrès. Une démarche perçue par Abdelkrim Abada comme une manière de poursuivre l'isolement des légalistes. Mais lors de sa prise de parole, Abdelkrim Abada a indiqué que les « légalistes ne tiennent pas rigueur au frère Belkhadem ». « M. Belkhadem est hors de cause, et puis il n'est pas très bien informé de la situation en raison de ses déplacements à l'étranger », a-t-il déclaré. Tout en lui renouvelant, à l'occasion, sa confiance et son soutien, Abdelkrim Abada a invité néanmoins le président de la commission de préparation du congrès à rappeler à l'ordre ses anciens camarades du mouvement des redresseurs, de tout mettre en œuvre, d'instaurer une réconciliation véritable entre les militants et de faire de légalisme dans l'opération de remise sur les rails du parti. Faits inattendus, des membres du CC se revendiquant du camp des redresseurs ont abondé, lors des débats, dans le sens des arguments développés par M. Abada. Ils ont estimé essentiels pour les deux anciens camps en conflit d'enterrer très vite la hache de guerre et de se préoccuper davantage de l'avenir du parti. Un avenir qui, pour eux, passe par le respect des règlements du parti. Dans le cas contraire, ont-ils prévenu, le FLN risque de rester en crise pour longtemps.