La victime a crié sa douleur d'avoir reçu des coups entre les jambes. Elle réclame justice entre les...lèvres. La justice a quotidiennement des dossiers de toute nature avec des parties venues réclamer haut et fort...justice. Les magistrats, eux, sans fermer les yeux, font la sourde oreille devant les lamentations des uns et des autres, espérant tirer la couverture vers une décision qui plaît aux adversaires présents à la barre et ce, tous les jours... Des voisins, des coups et blessures, 40 jours d'incapacité. La ravissante Allalou-Tabi, la juge, est en forme. Des mots et des maux. Trois citoyens debout devant la juge qui en avait par-dessus la tête devant des déclarations contradictoires haineuses, dures et incontrôlées. Le verdict, lui, était inattendu ou plutôt surprenant pour les initiés, mais plus raisonnable aux yeux des amateurs d'audiences correctionnelles. Le prévenu est un sportif, cycliste des années 1960/1970. La victime est un retraité. Ils ont deux versions diamétralement opposées. Le prévenu nie avoir balancé deux baffes. La victime est catégorique: «Remonté à bloc par son épouse, il est venu me gifler et m'expédier sa cheville dans le bas-ventre me faisant voir le blanc, rouge, c'est dire la violence des coups assénés...», a raconté le vieux face à la juge qui a sèchement rappelé à l'ordre l'inculpé. D'ailleurs, ce dernier s'est rendu coupable, outre de coups et blessures volontaires, de... diffamation. Il a traité de corrupteur la victime et ce, à la barre, alors que cela est strictement interdit. Trois délits: coups et blessures volontaires, diffamation et insultes! Trois articles: 264, 298 et 298 bis. Le 267 (loi n°06-23 du 20 décembre 2006) dispose que «quiconque, volontairement, fait des blessures et porte des coups à autrui ou comme tout autre violence ou voie de fait, et s'il résulte de ces sortes de violence une maladie ou une incapacité totale de travail pendant plus de 15 jours, est puni d'un emprisonnement d'un 1 an à cinq ans et d'une amande de 100.000 DA à 500.000 DA. Le coupable, peut, en outre, être privé des droits mentionnés à l'article 14 de la présente loi pendant un an au moins et cinq ans au plus. Quand les violences ci-dessus exprimées ont été suivies de mutilation ou privation de l'usage d'un membre: cécité, perte d'un oeil, autres infirmités permanentes, la peine est élevée jusqu'à la réclusion à temps, de cinq à dix ans. Si les coups portés ou les blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort l'ont pourtant occasionnée, le coupable est puni de la réclusion à temps, une peine de 10 à 20 ans». Pour ce qui est de la diffamation et l'injure, le tribunal ne semblait pas trop emballé, faute de preuve et de témoins. Les faits se sont déroulés durant la première semaine du mois courant. Outre le drame de l'affaire, il y a eu des moments où le fou rire l'a emporté puisque même la victime s'y est mis: «C'est nous qui avions fait de lui (le prévenu) un homme.» Et la présidente de répliquer: «Ce n'est pas bien d'élever des hommes et les insulter par la suite.» Ici, la morale distribuée gracieusement prépare un verdict généralement lourd à supporter, mais la justice n'est pas debout pour faciliter les tours de passe-passe et autres manigances prononcées à la barre où tout doit se dire pour une bonne justice. La seconde victime, un jeune de 30 ans, témoigne que Rafik, le prévenu, avait poursuivi son épouse et sa soeur jusqu'à l'intérieur du «home» et agressé. «Vous étiez présent?» a demandé la présidente. Elle obtient un timide: «On m'a raconté.» Puis un autre: «C'est une histoire qui dure depuis des lustres.» Allez demander à la justice d'aller vite! La seconde victime est alors fixée sur cette triste histoire de famille, de voisins qui déversent les eaux usées devant le magasin du prévenu. Puis les maux ont remplacé au pied levé les mots. La mêlée précède les procédures de la P J qui devancent les auditions par-devant le procureur et qui se terminent à la barre où chaque partie veut avoir raison. Et généralement, les auditions ont lieu dans un climat serein où chacun donne sa version avant de tout répéter à la barre, faute de quoi le magistrat du siège comprend la réalité qui est, elle, consignée en bonne et due forme sans parti pris surtout lorsque les avocats sont constitués pour être les bras de la balance face à une justice «aveugle» car encore une fois, les juges du siège ont entre les mains des parties anonymes, loin de toute déviation... Le verdict dicté par le magistrat met O.K. tout le monde en ordonnant une enquête complémentaire. C'est sage comme décision. Rendez-vous donc dans un semestre, car il est plus que sage pour un juge d'avoir les preuves de ce qu'avancent prévenu et victimes. Ceci est d'autant plus louable lorsque l'enquête préliminaire est bâclée. Il faut souligner le rôle du jeune et fougueux procureur qui a été derrière la salutaire décision de la présidente, car ses questions aux parties en présence ont mis à nu les incohérences des PV d'audition des uns et des autres et donc ont heurté le mur qui pousse la juge du siège à être au milieu d'un éventuel ratage qu'elle ne voudrait en aucun cas «casanier» dans son subconscient. Bahia Allallou-Tabi demeure, plus d'une décennie après, une magistrate du siège utile à Hussein Dey où elle est franchement estimée et même plus. N'est-ce pas Rachid, notre fidèle lecteur.