La chute de cette chronique, somme toute banale, nous a été "balancée" par le patronyme de la juge du jour: Amirouche, toute une page d´histoire. Des voisins, des coups et blessures, quarante jours d´incapacité. Des mots et des maux. Trois citoyens, debout, devant le juge qui en avait par-dessus la tête devant des déclarations contradictoires haineuses, dures et incontrôlées. Le verdict, lui, était inattendu... Il est vrai que depuis que nous suivons les audiences, nous ne cessons de dénoncer la justice expéditive, les dossiers bâclés, les injustices commises par des juges au-dessus de tout soupçon. Le prévenu est un sportif, champion des années 60/70. La victime est un retraité. Il est vrai que les deux ont deux versions diamétralement opposées. Le prévenu nie avoir balancé deux baffes. Lasse mais fière, la victime est catégorique: «Remonté à bloc par son épouse, il est venu me gifler et m´expédier sa cheville dans le bas-ventre, me faisant voir le blanc, rouge, c´est dire la violence des coups assénés...», a raconté le vieux face à la juge de Hussein Dey (cour d´Alger) qui a sèchement et rudement rappelé à l´ordre l´inculpé qui s´est rendu coupable, outre de coups et blessures volontaires, dehors, et dedans, de...diffamation. Il a traité de corrupteur la victime, à la barre, et cela est strictement interdit. Nadia Amirouche, cette présidente qui -son père a si bien élevée- n´aime pas que des justiciables se comportent comme des égarés dans la rue, dans un bar ou pire, au pied d´un mur...Les faits se sont déroulés durant la dernière semaine du mois de janvier. Outre le drame de l´affaire, il y a eu des moments où le fou rire l´a emporté, puisque même la victime s´y est mise: «C´est nous qui avions fait de lui (le prévenu) un homme». Et la présidente de répliquer: «Ce n´est pas bien d´élever des hommes et de les insulter par la suite.» Ici, la morale distribuée gracieusement, prépare un verdict généralement lourd à supporter, sauf si cette sacrée Amirouche qui n´est pas derrière la pupitre pour distribuer les peines à tout-va, prend son rôle avec noblesse. Décidée comme tout, la seconde victime, un jeune de 30 ans, témoigne que Rafik, le prévenu avait couru et poursuivi son épouse et sa soeur jusqu´à l´intérieur du «home» et les agresser. «Vous étiez présent?», a demandé la présidente qui obtient un timide: «On m´a raconté» puis un autre témoignage flou: «C´est une histoire qui dure depuis des lustres», ou encore: «Vous savez madame la présidente, à force de récolter des rumeurs, on en garde un peu et c´est ce peu qui guide les gens de mauvaise foi et moi je refuse d´en faire partie. (?!?)» «Il n´empêche que vous nous racontez les fruits pourris de cette néfaste rumeur. Le tribunal attend des témoignages vécus, pas ceux colportés ça et là», rétorque magistralement la juge qui a eu tout de même le mérite de saisir pas mal d´infos dans ce dossier. Elle a même eu le temps de refaire...l´instruction! Chapeau. Malgré tout, la présidente n´a pas eu toutes les réponses qu´il lui fallait pour tout saisir et trancher. Tant pis! La magistrate est alors fixée sur cette triste histoire de familles, de voisins qui déversent les eaux usées devant le magasin du prévenu. Puis les maux ont remplacé au pied-levé les mots. La mêlée précède les procédures de la police judiciaire, qui devancent les auditions par devant le procureur et qui se terminent à la barre. La présidente fronce les sourcils et donne l´impression que des éléments manquent dans cette affaire. La rectitude l´emporte et bien. Le verdict dicté par le magistrat met O.K. tout le monde en ordonnant une enquête complémentaire. C´est sage comme décision. Rendez-vous donc. Et d´ici à là, les antagonistes auront quelques mois pour se calmer, oubliant leur haine réciproque, effaçant les gros mots et les maux «crus», l´insulte, l´injure, l´invective. Notre société, déjà très mal en point, n´en a pas besoin. Et alors que dire de notre justice? Elle, si malmenée, ballottée, souvent humiliée, trouvera bien un jour son chemin comme l´Algérie brûlée, saccagée, son peuple massacré alors qu´il n´y avait pas de caméras ni de chaînes satellitaires, dans l´ombre, aveuglément, avait retrouvé le 5 Juillet 1962, son chemin de la liberté et de l´Indépendance tant recherchées et arrachées au prix fort... Mais ayons confiance en notre justice qui n´est, somme toute, que le reflet de notre société qui patauge pour sortir du tunnel des «peaux de bananes». Na!