Un public fort nombreux, constitué en majorité de jeunes étudiants est venu sceller ses liens avec ce rendez-vous majeur, qui se veut annuel «Mondialiser notre culture algérienne passe nécessairement par la définition et l'affirmation des exceptions régionales de notre pays. Plus on revitalisera et on redynamisera ce qui fait les particularités de la musique algérienne, et plus on s'ouvrira sur l'extérieur», affirme Réda Chikhi premier responsable de la boîte 33 Tours. Le gnawi, cette musique séculaire des Babas Salem, ces sillonneurs de rues que nous connaissons tous, a inondé mardi dernier la salle Ibn Zeydoun de l'Oref. Une fois de plus un public fort nombreux, constitué en majorité de jeunes étudiants est venu sceller ses liens avec ce rendez-vous majeur et qui se veut annuel: «Le Bled stock El-Festival». Du reggae, chaâbi, rock, mélangés à ces polyrythmies berbéro-maghrébines qui chantent les mélodies du Sud et vous obtenez de la pure musique algérienne. «Une musique, qui est essentiellement traditionnelle, folklorique dans sa substance, mais résolument tournée vers l'universel, par le discours qu'elle véhicule», indique Réda. Cette vision de la musique algérienne actuelle correspond à la philosophie que tend à promouvoir 33 Tours. Pour sa troisième édition de Bledstock, ce tourneur de spectacles a fait montre d'ingéniosité en installant en haut de la scène, un écran géant. Deux grandes toiles, oeuvres de Karim Sergoua et Djaoudet Gassouma trônaient, en outre, de part et d'autre, de la scène, sur lesquelles on pouvait lire en gros: Bledstock. Juste avant le spectacle, le public aura la surprise de voir défiler sur cet écran le film des «événements» passés, organisés par 33 Tours. Quelques extraits des concerts enregistrés en live comme avant-goût de ce qu'il pourra écouter une fois qu'il aura acheté ces albums: Bledstock, compil 2000, Maghreb n'Friends live, Cheikh Sidi Bemol, Karim Ziad, Jazzayer compil 2000 et Philip Catherine live. Tous ces CD ont été mis en vente à l'extérieur de la salle Ibn Zeydoun. Ils sont aussi édités par le label de production 33 Tours Intedj. Celui-là même qui produira l'album d'Index et dont la sortie est prévue pour le début du mois de janvier. Avant le début du spectacle, c'est le compte à rebours qui égrènera les secondes avant de céder la place à cette «annonce flask-back» qui ressuscitera ces concerts - souvenirs... Mais pour l'heure (20 h) c'est avec le groupe Index que nous nous apprêtons à voyager à travers le temps et les lieux... Une destination 100% gnawie. Avec Salim à la guitare solo et au chant, Azzedine à la batterie, Fayçal à la guitare rythmique, Fayez au clavier et au chant, Mourad à la flûte, Farès à la guitare rythmique et Nisso à la percussion. Né au début des années 90, le groupe Empreinte d'une génération a su trouver, au fil du temps, son identité musicale: le gnawi, après s'être essayé au tout début au rock. C'est sa rencontre avec Cheikh Sidi Bémol qui marquera ce signe du destin. «En l'écoutant jouer sur scène ce fut la révélation!», déclare Fayez. Désormais mûri, le groupe a démontré maintes fois son talent ici et ailleurs. En moins de 2 ans, il aura brillé aux côtés de Gnawa diffusion, Raïna raï, Karim Ziad et de Aziz Sahmaoui (de l'ONB). Et comme pour rappeler qu'ils sont là, ils débuteront leur tour de chant par Basma, un titre qui fait écho au nom du groupe. Il sera suivi juste après par Sahraoui Soudani, un titre plus connu du public. Ce dernier, en majorité à l'écoute des premières notes de musique, quitte son siège pour se rapprocher de la scène. L'ambiance est d'emblée survoltée et l'atmosphère surchauffée. Fayez salue le public d'un «Messelkheir aliekoum» chaleureux avant d'enchaîner avec Galou laârab galou, un morceau fort entraînant, qui vous met en transe, tant il vous remue de l'intérieur... Bouskine, (l'homme au couteau) est une chanson comme son nom l'indique qui fait référence au drame que vit l'Algérie dans sa chair: à savoir le terrorisme. Son texte incisif, dénonciateur est raconté sur une pointe d'humour que seul Index sait faire. Sept heures moins le quart, dédié aux étudiants de Bab Ezzouar, raconte sur fond de reggae-bloozy la mal vie et les déboires de l'étudiant zawali algérien. Fayez se permet de chambouler le programme pour réveiller le public qui s'est endormi, d'après lui. Et c'est une reprise: Zaouia de l'ONB qui va mettre carrément le feu à la salle. Une avalanche de délire s'abat sur le public et c'est Arabica qui finira par faire exploser le «thermomètre». Interprétée en duo avec Samira, cette jeune chanteuse à la voix d'or qui monte et découverte l'année dernière en première partie du groupe Gnawa diffusion, chanson teintée de mysticisme constitue l'un des moments forts et très solennels de la soirée: Samira louant Dieu, en donnant la réplique à Fayez qui, lui, chante en anglais. Un morceau de gnawi renversant, et véritablement émouvant. C'est Arabica, chanson qui remet en cause la loi sur l'arabisation, qui achèvera donc la partie acoustique d'Index. Après une pause qui durera environ un quart d'heure, c'est sous les rythmes de la musique chaâbie que reprendra le concert. Accompagné de trois musiciens, un au banjo, un au mandole et un autre au violon, le groupe entame une intro-instrumentale qui rappelle les quaâdate algéroises d'antan. Et c'est le titre Ghofran qui décrochera des salves de youyous dignes d'un mariage. Selim le guitariste fait son baptême du feu dans le chaâbi en développant un istikhbar des plus captivants... Le périple de ce Bledstock s'achemine peu à peu vers des ambiances plus punchy, plus groovy et c'est place aux sonarités rock gnawi d'abord avec Sendia (Madama de Hassan el frero). En faisant glisser ses doigts sur le manche de sa guitare, Salim fait preuve d'une virtuosité exemplaire en faisant jaillir des mélodies acoustiques à vous couper le souffle. Suivra un medley de leurs tubes les plus connus comme celui de l'hymne national, revu et corrigé à la sauce reggae, et une reprise: Chinass de T34. Autre invité surprise et de taille qui viendra se joindre au groupe, Lotfi Attar du groupe Amarna, ex-Raïna Rai. La musique éclectrique de ce guitariste phénoménal envoûte la salle, envahit notre corps tout entier puis vient inonder notre esprit. Avec son rock décoiffant, Lotfi interprétera quelques-uns de ses tubes inusables à l'image de Zine tayla avant de prendre congé de nous. Il sera suivi par une autre figure de la musique algérienne, celle-ci vivant en France. Il s'agit de Hocine Boukella alias Alho, le Cheikh Sidi Bémol. A son tour d'encenser le public avec ses tubes notamment Alatif, Serkou, déclinés en parfaite communion avec le groupe Index. Il est presque 22h 30, le concert se termine en apothéose avec le retour sur scène de l'ensemble des musiciens et chanteurs ayant participé à la réussite de cette première soirée du festival. Décidément 33 Tours nous a vraiment gâtés et le public en a eu largement pour son compte.