Encore heureux que ces révélations, que tout un chacun supputait, n'aient pas été extorquées sous... la torture ! Les Américains, qui s'enlisent de jour en jour dans le bourbier irakien, qu'ils ont eux-mêmes choisi en envahissant ce pays sans l'aval onusien, continuent de souffler le chaud et le froid dans une tentative désespérée de s'en sortir sans trop de casse, voire de redresser la balance en leur faveur, suivant la célèbre formule américaine : «To turn the table». C'est ainsi qu'au moment où des pressions innommables, et tout aussi illégales, sont exercées sur la Syrie et Cuba, que le grand GMO reste toujours d'actualité en dépit de son inanité et que les crimes «nazis» du bourreau Sharon sont couverts en Palestine par les Américains, ces derniers, par la voix de leur chef de la diplomatie, ont décidé de faire profil bas à propos des raisons qui leur ont fait lever l'une des plus puissantes armées afin d'envahir un pays qui ne constituait un danger pour personne, hormis son peuple. Mais pas plus, finalement, que n'en ont commis les troupes d'occupation elles-mêmes. C'est le terrible aveu que vient de faire le responsable du département d'Etat US dans un entretien accordé à la chaîne NBC. «La CIA et d'autres agences gouvernementales américaines ont été trompées, parfois délibérément, à propos des armes de destruction massive dont l'Irak aurait disposé», a en effet reconnu le secrétaire d'Etat, Colin Powell, dans une interview à la chaîne NBC. S'il est vrai que c'est la première fois qu'un haut responsable américain admet officiellement que le gouvernement américain a été mal informé de la réalité de l'arsenal chimique et biologique dont disposait Saddam Hussein avant la guerre et que l'assertion n'a pas été vérifiée sérieusement, il n'en demeure pas moins qu'il est difficile de croire que la puissante CIA, capable de tromper tout le monde, ait pu l'être à son tour. L'aveu, qui vise vraisemblablement à sauver les meubles de cette véritable débâcle diplomatique et militaire, cherche à réduire la responsabilité des services spéciaux et des politiques américains dès lors que tout le monde savait que Bush s'apprêtait à frapper plusieurs mois avant la publication des résultats de l'enquête, en effet fabriquée, comme devaient le prouver très facilement de nombreux experts du conseil de sécurité. Mieux, El-Baradeï, avec lequel Bagdad coopérait à fond, avait supplié pour décrocher un délai supplémentaire. Un délai mortel, en somme, pour les croisades US, sachant qu'il aurait permis de prouver, d'une part, que Saddam ne disposait pas d'ADM, et d'autre part que ses armes quelque peu sophistiquées lui venaient toutes d'Europe et d'Amérique. La manoeuvre de Powell, venant de la part d'un pays «pragmatique», pour qui les sentiments n'ont pas droit de cité, a de quoi prêter à sourire. Elle rappelle étrangement le «mea culpa» du faucon Rumsfeld s'évertuant à «coller» les tortures à quelques soldats déséquilibrés alors que les preuves, fournies jusqu'au plus haut niveau, à commencer par le rapport du général Antonio Taguba, indiquaient clairement que les ordres de s'adonner à la torture et aux humiliations sexuelles en Irak, au Koweït et à Guantanamo venaient du Pentagone avec la «bénédiction» (le mot sied fort ici, s'agissant de croisades pour reprendre les propres termes de Bush) des plus hautes autorités politiques US. «Je suis profondément déçu et le regrette», a-t-il dit sans convaincre personne, pas plus qu'il n'avait touché personne, un certain 5 février 2003, avec ses «documents» et ses «discours grandiloquents» quand il s'agissait de convaincre la planète d'aller en guerre contre Saddam. Powell, à cette époque, avait révélé que l'information provenait d'un Irakien ayant fui le pays, ingénieur chimiste ayant supervisé l'une de ces installations mobiles, et dont les affirmations avaient été corroborées «par d'autres sources». «Malheureusement ces informations au fil du temps se sont avérées inexactes», a reconnu le secrétaire d'Etat, sans donner l'identité de l'Irakien. Mais selon des fuites transmises aux médias, l'homme (au nom de code «Curveball») serait un frère de l'un des collaborateurs d'Ahmad Chalabi, devenu membre du Conseil de gouvernement transitoire irakien, et très proche des Américains. Qui aura le courage de dire que la CIA ne connaissait pas la nature des relations «spéciales» entre cet informateur et son homme de main en Irak sans crainte de se couvrir de ridicule ? La situation, toutefois, reste plus tragique que comique!