C'est peu dire que les Américains s'enlisent chaque jour un peu plus dans leur nouveau bourbier vietnamien. Un soldat américain a été encore tué hier, portant à 39, le nombre des Américains tués depuis la fin de la guerre, au moment où les relations de la coalition avec la communauté chiites s'enveniment de plus en plus, notamment après l'arrestation de notables chiites et la réquisition d'un local de l'Asrii (Assemblée suprême de la Révolution islamique en Irak, le plus important mouvement islamique irakien). Donc, au moment où en Irak, les Américains font face à une guérilla pugnace, les maladresses et autres mesures répressives annihilent toute sympathie dont les Américains ait pu bénéficier au lendemain de leur occupation de l'Irak. De fait, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, qui présentait hier un rapport, «sans complaisance», selon les dires de diplomates près le Conseil de sécurité, releva que les «conditions de vie quotidienne (des Irakiens) ne se sont pas améliorées et pourraient même être pires». Le secrétaire général des Nations unies ne s'est pas fait prier, ni n'a pris de gants, pour brosser une situation catastrophique qui empire de plus en plus pour des Irakiens qui n'ont fait que changer d'oppresseurs, les coalisés prenant la place des baâssistes de Saddam Hussein. Ainsi, Kofi Annan indiqua: «J'ai eu avant tout à l'esprit, les intérêts du peuple irakien, notamment sa revendication d'un rétablissement rapide de la souveraineté irakienne». Dans cet contexte - le droit pour les Irakiens de gérer en toute souveraineté leur pays et de rétablir sa sécurité et son économie - M.Annan affirme: «Les conditions de vie ne se sont pas améliorées, du moins pour la population urbaine, et se sont peut-être dégradées. Surtout, les interlocuteurs de mon représentant spécial, (Sergio Vieira de Mello), ont exprimé leur profonde préoccupation face à la précarité et, selon certains, la détérioration de la situation sécuritaire, notamment à Bagdad». Situation que les trois délégués du Conseil transitoire de gouvernement (irakien) devaient brosser hier devant le Conseil de sécurité. Toutefois, ces délégués ne s'adresseront pas au Conseil en tant que représentants de l'Irak mais, selon les termes d'un diplomate, en tant que «personnes compétentes». Cela, tant que le Conseil de sécurité n'a pas reconnu au Conseil transitoire irakien, la légitimité qui, actuellement, lui fait défaut. De fait, l'on parle de plus en plus de «l'élargissement» des prérogatives de l'ONU, jusqu'ici réduites à l'humanitaire. Ainsi, il y a quelques jours, un porte-parole de la Maison-Blanche, avait laissé entendre que les Etats-Unis «envisageaient l'éventualité» d'élargir le rôle de l'ONU. Le monde un peu à l'envers où un Etat membre des Nations unies décide des attributions qui seront données à l'ONU. Toutefois, pour ce faire, il faudrait revoir, selon un diplomate onusien, le texte de la résolution 1483 du 22 mai dernier qui octroie à l'ONU une participation presque symbolique. Accueillant le président du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, dans son ranch au Texas, le président Bush a indiqué que «La ‘'1483'' est une résolution forte et tout à fait appropriée. (...)». Ainsi, les Etats-Unis qui sont passés outre l'accord de l'ONU, veulent aujourd'hui l'aide des Nations unies sans pour autant remettre en cause la légitimité de leur intervention en Irak. Or, la communauté internationale est prête à prendre part au rétablissement de la situation dans ce pays et à sa reconstruction, mais sous l'égide et la direction de l'ONU. De grands débats en perspective.