La lutte contre les criquets pèlerins bat son plein à Djelfa, Laghouat et Ghardaïa. Tous les moyens sont mobilisés pour empêcher la « recrudescence » des criquets, de s'étendre sur d'autres territoires. Les services du ministère ont communiqué qu'un arsenal composé de 36 véhicules équipés d'appareils de traitement, deux avions Antonev 2, 2 hélicoptères et un hélicoptère d'inspection ont été mis à la disposition des agriculteurs. Arrivés sur les lieux infestés, accompagnés des cadres du département de l'agriculture dont le chef du cabinet du ministre-délégué, M.Faroukhi, nous avons constaté que la campagne de désinfestation tirait à sa fin. En effet, plus de 70% des «tâches» ont été traitées positivement. A Ghardaïa, le plan de lutte a englobé plus de 550 hectares, tout comme il a touché l'ensemble des périmètres de l'activité acridienne à Djelfa et Laghouat. Cette célérité dans cet axe précis est motivée par la nature des criquets qui y pullulent. «Nous avons répertorié les champs de ponte des criquets dans les wilayas de Béchar, Tindouf, Naâma, El-Bayadh, Djelfa, Laghouat et Ghardaïa. Ainsi, nous avons constaté que les populations qui y activent sont à l'état larvaire. D'où l'urgence de dégager un plan d'action, en vue de stopper net l'évolution de cette espèce plus ravageuse du fait de sa prédisposition à la ponte», nous a expliqué M.Moumène Khaled, un expert en la matière. Aussi, un travail préventif a été enclenché à partir de la Mauritanie d'où se sont déplacés les criquets vers notre pays. C'est ce que nous a déclaré un agronome de Mostaganem rencontré à Djelfa. Il nous a signalé que des équipes algériennes étaient à pied d'oeuvre en Mauritanie avec «armes et bagages», sans que les autorités mauritanienne n'en fassent de même malgré l'aide financière débloquée par l'organisation mondiale pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) qui s'est impliquée via sa commission régionale Clcpro (Commission de lutte contre le criquet pèlerin en région occidentale). Une «tricherie» qui n'a point empêché les équipes de lutte nationales à éloigner la menace d'une invasion acridienne massive. En outre, le gouvernement a méticuleusement pris le problème au sérieux, en dégageant une enveloppe budgétaire de trois millions de dinars pour circonscrire efficacement les endroits touchés par ce phénomène naturel. Donc, dans l'état actuel des choses, tout le monde est rassuré, y compris les propriétaires des petites exploitations rencontrées durant nos visites guidées. Toutefois, l'heure n'est nullement au relâchement, du fait que de nouvelles tâches pourraient réapparaître à tout moment. Le phénomène est totalement imprévisible. «Certes, il ne faut surtout pas baisser d'un iota la vigilance actuelle, et ce, même si les populations détectées sont majoritairement composées de criquets qui ont déjà pondu», nous a avancé l'expert Moumène Khaled. Sourcilleuses de toutes les consignes de la «sécurité préventive», les autorités locales patrouillent sans répit, tous les coins et recoins sans exception. Appuyés par les fameux appareils de détection GPS, les services de la sécurité environnementale, chacun dans son espace géographique, font passer quotidiennement l'axe Djelfa, Laghouat, Ghardaïa au peigne fin. Tout comme les autres sites exposés à la recrudescence acridienne. Ainsi, la «page» XX de 1988, l'année ayant connu une intervention catastrophique pour un phénomène similaire, semble définitivement tournée. Bien que, il est vrai, la situation en 1988 a été beaucoup plus compliquée. D'ailleurs, on ne parle pas d'invasion mais de recrudescence. Aussi importants soient-ils, les moyens matériels à eux seuls ne peuvent aucunement assurer une réussite sans faille de l'opération en cours dans la «lutte antiacridienne». L'autre tourment des spécialistes en la matière, relève de la sécurité hygiénique. Les pesticides utilisés dans la désinfestation ont créé quelques susceptibilités. Car quatre morts par intoxication ont été signalées dans les zones traitées. Invités pour s'en expliquer, Moumène nous a rassuré que les personnes intoxiquées n'avaient, après prélèvement de sang, aucun signe pouvant avoir un lien avec les pesticides. Ce n'est pas, en revanche, l'avis de certains citoyens «au fait des choses». Un confrère établi à Djelfa a tenu, sous le couvert de l'anonymat, à nous révéler qu'il détenait «des preuves que l'intoxication est provoquée par les produits contenant des composants chimiques», selon ses dires, les personnes contaminées l'auraient été en consommant des criquets arrosés. Pour la parenthèse, la majorité des gens du Sud consomment les criquets sous prétexte qu'ils «renferment des vertus médicinales». Au marché de Djelfa, ils se vendent à 400 DA le kilo. Du côté des manipulants (ceux qui mènent la lutte sur le terrain), ils sont soumis constamment à des prélèvements de sang. D'après Moumène, il y a eu jusqu'à présent 34 retraits temporels et 4 retraits définitifs. Les manipulants, mis à l'écart, ont donné des signes de frilosité ne leur permettant point de tenir le coup. Souvent, les décisions de retrait butent sur des oppositions farouches. La raison ? A en croire certaines indiscrétions, les «opposants» sont payés 2500 DA, un énorme pactole dont il n'est pas aisé de se défaire. Présentement, quoi qu'il en soit, la priorité est au renforcement du dispositif antiacridien.